28 octobre, 2006

La Sauce avant la fuite

Busta Flex "Kick Avec Mes Nike" (1996)
La Sauce Production
1. Kick Avec Mes Nike
2. Aïe Aïe Aïe
3. Hiphopcryt
4. La Prison
J'ai pas tellement parlé de Busta jusqu'ici, pourtant quand j'étais ado j'étais dingue à chacun de ses couplets. Je l'ai découvert comme beaucoup sur le premier album de Lone où il assurait plus que le sparing partnership de celui qui l'avait découvert. Il avait bien fait un morceau avec son frère Jimmy sous le nom de Original Blue Fonk sur la première mix-tape "Freestyle" de Cut Killer mais comme je n'ai jamais eu l'occasion de mettre la main dessus...
L'album de Lone m'ayant traumatisé (pour être sincère, les apparitions de Busta m'ayant traumatisé), j'attendais le premier maxi de celui qu'on considérait à juste titre comme la fraîcheur incarnée avec impatience. Je crois que j'ai acheté ce maxi à Tikaret, à la toute fin du magasin... mais je me plante peut être complètement et ça serait alors à LTD. J'avais traîné pour aller à Chatelet et je me demandais si j'allais encore en trouver... J'ai pris le dernier !

Quatre titres, tous produits par Lone à l'époque où il était pas encore parti en courant quand Busta (Valéry François de son nom civil) eût ses embrouilles à Rennes avec Express D suite à une rime malheureuse dans un freestyle (une histoire de "style tellement fort que même les musulmans mangent du porc" en gros), mais si vous savez bien, "le 20 mars 97 ça a bardé !". Moi j'aimais bien cette période là, c'était les débuts d'Homecore qui faisaient des sapes mortelles, à un prix évidemment prohibitif, surtout quand on a 15 ans (un sweat c'est 5 albums, le choix était vite fait).

"Kick Avec Mes Nike" donc. Le titre éponyme est bien évidemment un egotrip où Sta-beu démontre qu'il est un rappeur hors norme, fan de Redman bien sur, mais avec un feeling unique. Encore aujourd'hui, l'énergie qui se dégage du morceau est assez bluffante. La prod du "gitan cosmopolite" est discrète, musicale et sait s'effacer pour laisser au MC la place de libérer son exubérance.
Tiens, j'en profite pour lancer une question en l'air : pourquoi avoir censuré certains passages du morceau ? Il aurait suffit de mettre comme ça se fait souvent une version radio et une version non éditée... Petit bras sur ce coup-là.

J'ai toujours eu une petite tendresse pour le second titre de la première face, ce "Aïe Aïe Aïe" pourtant nettement plus faible que les trois autres. D'une part pour le clin d'oeil à "Fugee-La" des Fugees dont j'ai toujours été fan, de l'autre pour le clin d'oeil aux parkas Helly Hansen "couleur papaye" à la mode à l'époque et que j'ai regardé avec beaucoup d'envie (j'avais fini par trouver un coupe vent de la même marque bleu et blanc assez mortel pour une misère... mais absolument pas ventilé, très classe les marques de transpiration quand on l'enlève). Bref, amusant ce petit morceau sur les videurs et vigiles.

La face B s'ouvre sur le titre que j'ai du le plus faire tourner à l'époque, "Hiphopcryt". J'étais dingue des voix en entrée (si quelqu'un sait d'où ça vient, je suis preneur), je kiffais les encouragements de Lone avec la voix traffiquée et on retrouvait le Busta egotrip et arrogant que j'appréciais tant. C'est vraiment dingue toute l'énergie que ce mec pouvait déployer sur un titre... Alors oui, effectivement, il a jamais fallu trop lui en demander niveau fond mais niveau forme, pour l'époque c'était sans commune mesure (et encore, je trouve que ça vieillit pas si mal malgré quelques trucs très faciles).

Finalement, quand on regarde bien, les deux faces du maxi sont composées de la même façon : un premier titre "single" égotrip suivi d'un second plus axé "story telling" comme le prouve ce "La Prison" qui, et je m'en étonne encore, n'était pas si mal écrit. Bon, c'est sur, ça transpirait pas le vécu et pour un mec qui raconte qu'il a passé 5 ans au ballon et que tout le monde l'a zappé, je le trouve bien guilleret... sûrement un manque de maturité, mais c'est justement ce coté chien fou qui faisait tout le charme du bonhomme.

Ensuite, comme je le disais, y a eu l'embrouille avec Express D et Flex s'est retrouvé tout seul avec son frangin jusqu'à ce que Kool Shen le prenne sous son aile et en fasse le fer de lance de son nouveau collectif : IV My People. Et puis forcément, ils s'embrouilleront. Et Busta ira trouver refuge un temps auprès du Comité 2 Brailleurs avec qui il finira également par se fâcher. Après la naïveté "keep it real hip hop" de son premier album, après un EP plus typé "street", il s'essaiera à un album bounce qui ne fera un bide. Depuis c'est l'éternel retour, sans jamais convaincre... Sûrement parce que le 20 mars 1997, ça a bardé... et que ça a cassé quelque chose en lui, mais là je fais ma Mireille Dumas du pauvre (vous imaginez le truc ?) donc je vais m'arrêter là.

Et pour le coup, je vais mettre les 4 titres en écoute !

PS : il est tard, j'ai la flemme de descendre à la cave pour aller chercher le maxi et scanner le sticker donc pas de pochette pour l'instant.

Petit label deviendra grand

VA "Hostile Hip Hop" (1996)
Hostile Records
1. Arsenik - L'enfer remonte à la surface (5:24)
2. X-Men - Pendez les, Bandez les, Descendez les ! (3:38)
3. 2 Bal Niggets feat. Niro - 3 fois plus efficace (4:07)
4. Polo - Panne Sèche (Halloween Rmx) (4:30)
5. La Clinique feat. Les Sales Gosses - Tout Saigne (4:13)
6. Sté Strausz - Plus d'idéal (4:26)
7. Teemour - Pas mieux demain (3:58)
8. Lunatic - Le crime paie (5:01)
9. Aktivist - Cauchemar (3:36)
10. Da Maad Fungusth - Les spots bleus (4:10)
11. Les Rongeurs - La chasse est ouverte (4:32)
12. Boss Raw - 1 million de cailleras (5:04)
Cette compile, je me souviens parfaitement quand je l'ai achetée... Enfin pas la date précise mais plus les circonstances. J'étais en seconde (1996), ça devait être à la fin de l'hiver vu qu'il faisait plutôt bon... On avait du passer le week end à écouter le vinyle chez Loïc (son frangin avait du mal cacher les cellules) et il me fallait ce disque. J'avais réquisitionné un pote de classe qui avait un booster ('tain impossible de retrouver le nom du modèle... il était rouge et blanc avec une sorte de damier façon formule 1 devant) pour m'emmener aux 3 Fontaines un midi. J'étais revenu au lycée à la bourre mais super content de mon achat. Il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux...

J'ai remis le CD sur la platine tout à l'heure et l'impression est la même qu'à l'époque : y a pas à chier, la première moitié est vraiment incomparablement meilleure. Et puis en fait, les 2 premiers tiers sont vraiment biens ou étaient les classiques de l'époque.

Les frangins d'
Ärsenik (alors encore accompagnés de leur cousin Tony Truand) n'avaient fait que "Ball Trap" (quelle claque ça) et avec "L'Enfer Remonte A La Surface" ils étaient catalogués "horrorcore" (pour ceux qui connaissaient le terme, sinon c'était plus "ouais les mecs avec le délire chelou façon cimetierre là"). N'empêche que c'était encore un nouveau style qu'on se prenait dans les gencives. Quand l'album "Quelques Gouttes Suffisent" est sorti, beaucoup avaient été déconcertés de ne pas retrouver l'ambiance macabre et sadique de ces deux premiers morceaux. Ils se sont toujours défendus d'avoir voulu faire de l'horrorcore et bien les en a pris globalement.

Ensuite, y avait les rois du freestyle radio, les
X-Men (encore à 3 avec Hi-Fi). Comme à l'époque, je trouve que ça rappe vraiment dinguement (si si ça existe), il y a des phases qui sont marquées dans mon crâne minuscule en lettres majuscules (yo rap)... mais la prod me gonfle toujours autant. "Pendez-Les, Bandez-Les, Descendez-Les", c'est quand même pas la panacée niveau prod et ça m'a toujours empêché d'être vraiment fan du morceau.

Surtout que juste après, y avait mon groupe préféré sur la compile : les
2Bal Niggets, qui plus est au grand complet puisque Krokmitten pose comme toujours (mais trop rarement) un couplet totalement halluciné. A l'époque, je me souviens que la plupart des mecs à qui je parlais étaient persuadés que ce titre là ("3x Plus Efficace") était sur l'album de 2Bal de 2Neg'. Et ça doit toujours être le cas aujourd'hui... C'est vrai quoi, quelle idée d'avoir foutu le morceau éponyme de leur album sur une compile ? Ben c'est pas si con, ça fait de la pub ! Et quel morceau en plus... Après ça, on ne retrouvera plus la rage et la fraîcheur des jumeaux, de Krok' et Niro que sur la B.O. de "Ma 6-T Va Crack-Er". Déjà le début de la fin... Une chose est sure, quand on se prenait ce morceau en live dans la tête, la salle devenait dingue. Il me semble que c'est après ce morceau qu'Eben avait dû descendre calmer quelques excités à la Clé à St Germain...

On ne s'en souvient guère aujourd'hui mais à l'époque, le premier gros hit underground de la compile (qui en recèle plus d'un au final), c'était "
Panne Sèche" de Polo. Un illustre inconnu. La prod était sombre, propre et efficace. Le MC quant à lui, aujourd'hui, j'ai un peu de mal à tout à fait bien comprendre pourquoi on s'était excité comme ça sur lui. Ok le refrain rentre dans la tête dès la première écoute ("Click click, je n'ai plus de balles / J'ai vidé mon chargeur je me sens mal"). Il y a une vraie ambiance sur le titre mais niveau flow, c'est assez banal. Même chose pour les lyrics. Merde, je me sens con à plus me souvenir ce qui avait rendu dingue les gens... qui en attendaient beaucoup ! Après, une autre grosse compile de l'époque ("L.432"), Polo a disparu de la circulation. Il était question qu'il fasse partie du Black Taga, ce "super" crew qui devait regrouper Joey Starr, Solo et Polo... qui n'a jamais vraiment eu d'existence en dehors de quelques dédicaces.

Et là dessus, on se mangeait le single "grand public" (tardif) de la compile : "
Tout Saigne" de La Clinique avec les Sales Gosses. Ils auraient surement gagné à être plus clairs sur qui était qui et qui était dans quel groupe parce que c'était le merdier. Pendant longtemps, on a cru que Doc Gynéco (que personnellement, j'ai eu du mal à reconnaître au début, sa voix étant plus grave que d'habitude et son nom brillant par son absence sur les crédits du morceau) faisait partie de la Clinique alors que non, c'était juste leur "grand". En réécoutant la plage 5, et malgré le succès de "Playa", je pense que Papillon et Charlie Waits (Les Sales Gosses) auraient gagné à plus s'affirmer individuellement quand on voit le bide que leur album a fait l'an dernier. N'empêche qu'il est toujours super sympa ce titre, le refrain se fredonne immédiatement comme si on l'avait écouté la veille et l'ambiance légère bien connard qui s'en dégage rend le morceau définitivement attachant.
On retrouve cette atmosphère décontactée sur "
La Chasse Est Ouverte" des protégés de Stomy, les Rongeurs, que je redécouvre avec plaisir curieusement. La basse est bien grasse, les claps bien funkys et les deux zouaves arrivent à me faire marrer dans leur délire crève-la-chatte. Quelque chose me dit que quand ils parlent de fourrer, ils ne parlent pas de taxidermie...

Une ambiance qui tranche avec la gravité d'un autre gros succès underground (ça me fait marrer d'utiliser ce mot) de l'époque, "Pas Mieux Demain
" d'un autre inconnu, Teemour. C'est marrant comme 10 ans après, la mise en scène du morceau est douloureusement toujours d'actualité. On avait eu "Sacrifice de Poulet" par le Ministère AMER sur la B.O. de la Haine, très premier degré, impulsif... et là on a un peu son opposé. L'émeute de cité vue de l'oeil désabusé d'un banlieusard, un panorama froid d'une situation à haut risque (t'as vu le style "journaliste de presse Hip Hop" ? la classe hein). N'empêche que j'étais pas fan de sa façon de rapper au Teemour : trop articulé, trop maniéré même si je lui reconnais une interprétation cohérente avec son sujet pour le coup.
Je me souviens qu'il y avait eu grosse enflammade sur le lascar à l'époque, Cut Killer était super fan... et puis son album a fait un flop. Je me souviens encore du clip genre plan séquence qui tournait en boucle sur la 6 (c'était pas mal fait ça, sans doute l'influence du grand cinéaste Djibril Diop qui était de sa famille proche). Et puis plus rien jusqu'à ce qu'on fasse les bacs des boutiques d'occaz.

Et puis il y avait "
Le Crime Paie" de Lunatic, classique d'entre les classiques. Après avoir dansé avec le Beat' 2 Boul', après avoir enregistré un album ches les Sages Po' (pas encore sorti... mais peut être qu'en regardant du coté du Canada dans les prochains mois, on pourrait le voir resurgir) le duo s'en était détaché pour rejoindre Time Bomb et développer une image beaucoup plus sombre que ce qu'on avait pu entendre d'eux (enfin ce qu'on avait pu entendre de Booba, sur "Tout Le Monde Dans La Ronde" le morceau inédit présent sur une des deux versions du maxi "Amoureux d'Une Enigme" des Sages). Jusqu'à "Hardcore" d'Ideal J, je ne crois pas qu'un titre ait autant marqué les gens que "Le Crime Paie", Ali et Booba se complètent parfaitement et même si B2O forçait encore trop son coté "j'ai la tronche tordue parce que je suis un méchant", c'était sacrément fort. Forcément, ça a un peu vieilli mais chaque rime annonçait la qualité d'écriture future des pensionnaires du Pont de Sèvres.

A coté de ça, la Mafia Underground (
Da Maad Fungusth - y a pas idée de prendre une blaze pareil - et Sté Strausz) tentait une nouvelle percée sans succès auprès du public (alors que mine de rien, le morceau de "j'ai un nom à coucher dehors" était vraiment pas si mal). Il faut dire que le public avait beaucoup de mal à reconnaître le talent de Sulee B. Wax depuis qu'il s'était mis à photocopier (avec succès) les Ricains. Flèche Bleue (d'Aktivist), quant à lui, forçait trop le trait dans "Cauchemar" et ratait surement là une occasion de faire mieux connaître le label Phat Cratz. Too much également, Boss Raw (proche d'Assassin) qui concluait passablement la compile avec son "1 Million De Cailleras", sauvé par le refrain "délicaillera" interprêté par Karl.

Dix ans après la sortie, le petit label rock qui tentait l'aventure Hip-Hop et se faisait le tremplin de la nouvelle école de l'époque est devenu LE poids lourd des écuries rap français. Joli chemin parcouru même s'ils m'ont perdu en route (et ça a été un moment très dur à vivre pour eux j'en suis conscient). Si j'ai bien tout suivi, cet anniversaire est commémoré par la réédition de la compile (remasterisée pour l'occasion), une bonne opportunité de compléter la collec' si on l'avait pas parce que, mine de rien, c'est une sacrée pièce. Alors oui, très certainement, et plus que pour d'autres disques, c'est sa portée historique qui fait l'intérêt de "
Hostile Hip-Hop" (beaucoup de titres ayant pris un coup de vieux) mais bon, ici on est nostalgiques et on l'assume alors keskonenahafout' hein ?

La sélection du cru : "
Le Crime Paie" par Lunatic forcément, La Clinique, Les Sales Gosses et Doc Gynéco pour "Tout Saigne" et un petit coup de "3x Plus Efficace" des 2Bal Niggets et Niro. Je me fais plaisir...

17 octobre, 2006

Conçu pour ne pas durer

La Cliqua "Conçu Pour Durer"(1995)
Arsenal / Night & Day
1. Intro (Jelahee / Le Chimiste)
2. La Cliqua - Tué Dans La Rue (Rocca, Egosyst, Daddy Lord C, Doc Odnhok / Le Chimiste)
3. Rocca - Comme Une Sarbacane (Rocca / Le Chimiste)
4. Coup D'Etat Phonik - Dans Ma Tête (Doc Odnhok, Egosyst / Lumumba)
5. La Cliqua - Freestyle (Rocca, Egosyst, Daddy Lord C, Doc Odnhok / Lumumba)
6. Daddy Lord C - Toujours Plus Haut (Daddy Lord C / Le Chimiste)
7. La Cliqua - Conçu Pour Durer (feat. Lyon S) (Doc Odnhok, Rocca, Daddy Lord C, Raphaël, Egosyst, Lion S / Lumuba)
"En direct de la Fourche, touche à mon emblême et je t'enfourche !" - Rocca, sur le morceau collectif "L'Underground S'Exprime Chap.1" instigué par Assassin.
Ouais ok, ça veut pas dire grand chose, on sait pas ce qu'est son emblême mais au moins on sait qu'il vient du 18ème. C'est un peu l'arnaque d'ailleurs parce qu'à part la Squadra (Rocca et Daddy Lord C), ils venaient tous de Boulogne, Pont de Sèvres il me semble. En tout cas, Egosyst (Guégué pour les intimes, Arafat aujourd'hui quand il rappe avec IMS), Doc Odnhok et Raphaël étaient du 92 plus que de Paris 18.

Depuis les premiers maxis de Daddy Lord C (et le désormais classique "Freaky Flow 1995 Remix"), on l'attendait ce premier disque de la Cliqua. Et c'est même pas un album. Commençons par exorciser une frustration : je suis passé devant le vinyle de "Conçu Pour Durer" des dizaines de fois, à chaque fois je me suis dit en voyant le vinyle translucide "je le prendrai une autre fois, je préfère acheter un disque que je n'ai pas déjà". Et puis finalement je l'ai jamais acheté et aujourd'hui, il se deal à des prix complètement dingues. Voilà, c'était la minute du collectionneur aigri.

Je me souviens qu'au début, c'est (encore et toujours) Loïc qui m'avait mis "Tué Dans La Rue" sur une cassette. Enorme gifle immédiate et définitive, la prod jazzy, la diversité et l'originalité des flows, l'ambiance générale du track... Un modèle du genre, encore aujourd'hui à mes oreilles. La première grande force de ce disque, c'est son ambiance. Les p'tits gars à la prod (en l'occurrence Le Chimiste, aujourd'hui reconverti dans la réalisation de documentaires et Lumumba) ont du pas mal écouter le grand frère new-yorkais, c'est crasseux, poisseux, collant, dur et sincère. Oui oui, rien que ça. C'est court et c'est bon (pour une fois, désolé mesdames).

Quant aux MCs, à l'époque, je ne vois pas qui pouvait rivaliser avec le duo de la Squadra (Rocca et Daddy Lord C). Le premier, petit Colombien à la voix rocailleuse est capable de placements incroyables et ses incartades en espagnol lui donnent un charisme incontestable. Le second, tout en swing, en aisance domine la discipline comme il dominera la boxe professionnelle française quelques temps plus tard. Quand les deux partagent le micro, c'est ce qu'on fait de mieux en matière de duo : les voix se marient parfaitement et les pass pass fonctionnent à merveille. La complémentarité en matière de rap à l'état pur.
Les autres, forcément, sans démériter, restent un cran derrière. Raphaël n'a pas plus de 16 ans et ne pose sa voix braillarde que ponctuellement et Doc Odnhok (Kohndo aujourd'hui) est encore trop fouillis pour convaincre. Reste Egosyst, Guégué pour la postérité, qui joue plus que les sparring partners pour les heavyweights précités. Il influencera d'ailleurs plus ou moins directement toute une scène active aujourd'hui.

Majoritairement égotrip, ce manifeste new school (avant même les guéguerres commercial/underground, il y a eu cette dichotomie inutile old school/new school... là n'est pas la question comme disait Rocca) n'a guère d'autre ambition que de montrer que le posse du Fourchlin Zoo en a largement sous le pied pour faire taire la concurrence. La rue, la rue parisienne si particulière imprègne les textes des 5 MCs. Il n'est pas question de jouer à celui qui a la plus grosse, qui est le plus gros tueur, la plus grosse caillera, juste de revendiquer un attachement à un environnement particulier. Une seule prétention : froisser des micros et là dessus, il y a consensus à l'époque : ils sont au top. Pourtant, Clark pourrait jouer les bad boys sur disque sans qu'on y trouve à redire, la réputation des Black Dragons (chasseurs de skins émérites et bande mythique des années 80-90) parlant pour lui.
Sept titres seulement, 120 francs à l'époque (je me souviens, 20 balles le titre, ça m'avait fait mal... jusqu'à ce que je pose le disque dans ma mini chaine Aiwa). Les photos d'Armen dans le livret. L'intro intouchable. "Sarbacane", le hit underground. Ce disque est une pièce maîtresse du rap français. Y a pas à chipoter.
Bon la suite a été nettement moins glorieuse que le fut ce EP et la tape que Cut Killer leur consacra. Après une compilation présentant leur label Arsenal (on aura surement l'occasion d'en reparler) et quelques compilations (dont Invasion), les rats quittent le navire. Guégué quittera Kohndo pour aller fonder IMS, Kohndo ira voler de ses propres ailes (et se fera copieusement allumer sur le maxi "Pas De Place Pour Les Traîtres") et les trois survivants auront toutes les peines du monde à sortir leur premier vrai album. Il arrivera d'ailleurs trop tard (c'est ça de venir en licorne aussi...) et malgré une production solide de Gallegos, il peinera à convaincre le public. Déçu par l'accueil et aigri que le succès d'estime ne se transforme pas en disques vendus (surtout à une époque où le rap français sait vendre gros), la Cliqua se sépare et chacun vaque à ses activités en solo.
Rocca continue à sortir des solos qui ne reçoivent pas non plus l'accueil escompté malgré certaines qualités et il décide de s'expatrier aux Etats-Unis et en Amérique latine avec son groupe Tres Coronas qui rappe en espagnol. Daddy Lord C se consacre un temps à la boxe et devient même champion de France professionnel avant de reprendre le micro... Il sortira un solo des plus décevants et il figure parmi mes plus grandes déceptions en matière de rap quand j'entends ce qu'il peut faire aujourd'hui. Quant à Raphäel, il évolue sous le pseudo de Raphton au sein du crew THC proche d'Audiomicide.

Bon, c'est la reprise là, j'aurais pu faire mieux mais faut que je me remette en jambes ! Bon, et pour le son, c'est comme avant, toujours dans la radio blog juste en haut à droite là.

08 mars, 2006

Le Dad remet de l'ordre ici

Daddy Lord C "Freaky Flow Remix" (1995)
Arsenal Records / Night & Day
1. Freaky Flow 19995 Remix
2. Les Jaloux
3. Les Jaloux (La Fourche Remix)
4. Freaky Flow
5. Freaky Flow Remix (Instrumental)
Ce maxi, c'est vraiment le symbole des débuts de ma boulimie rapologique. J'écoutais la galette chez Loïc (encore et toujours) et le sample de "Just The Two Of Us" me vrillait le crâne et Daddy Lord C était à mes oreilles le meilleur rappeur au monde. D'ailleurs, à en lire la pressé spé de l'époque, pour les rappeurs français c'était un peu la référence.

Là, la version dont je parle, c'est le CD... Sur le vinyle que j'ai aussi, il n'y a que le remix, l'accapella et l'instru. Je trouvais ça plus sympa de parler de "Les Jaloux" et la version originale de "Freaky Flow".

A la base, il y avait apparamment eu le maxi "Les Jaloux" (en 1994 d'après la pochette de ce maxi), je suis jamais tombé dessus, si ça se trouve je dis une connerie. Quand on replace le morceau dans son époque, force est de reconnaître que le Dad était quand même dans une autre dynamique que ses contemporains. Je vais encore faire appel à mes souvenirs lacunaires mais je me souviens d'un rappeur qui déclarait avoir cru qu'il s'agissait d'un Ricain quand il a entendu le morceau pour la première fois. La prod est pesante, portée par une contrebasse nerveuse et le Daddy Lord Clark pose comme personne à l'époque. Difficile à décrire cette façon de poser assez maniérée, chantonnante et, même si ça a pris un sacré coup de vieux, encore assez efficace. Le remix présent sur le maxi (La Fourche Remix) est loin d'être dispensable, on reste dans le même genre d'ambiance, c'est pas déplaisant mais bon... De toute façon, je n'ai eu d'oreilles que pour "Freaky Flow 1995 Remix".

Qui dit remix, dit forcément version originale. Méconnue, "Freaky Flow" premier du nom a du être enregistré à la même époque que "Les Jaloux". Clark y a le même type de flow, la prod est plus atmosphérique, loin des canons du Hip Hop new yorkais de l'époque dans lesquels puiseront la Cliqua peu de temps après. Elle est sympa cette version, DLC est jovial, son flow part dans tous les sens, le refrain de Sandra (un peu trop en retrait... comme la voix du Dad d'ailleurs) est pas ridicule dans le contexte de l'époque et puis y a "Funky Worm" fait de petites apparitions discrètes sympas. Du charme donc mais je n'en démords pas, le remix est mieux.

Putain j'étais une brêle quand même, il m'a fallu un bon moment avant de découvrir d'où était tiré le sample de "Freaky Flow 1995 Remix" (produit par Chimiste). Vieux motard que jamais me direz-vous, certes. Bref, pour en revenir à Daddy Lord C, je crois que c'est le titre que j'ai le plus écouté en 1995/96. En boucle, non-stop. Intégré à toutes les K7 que je me faisais pour aller au lycée, indispensable. Tous les couplets par coeur. J'étais dingue de la voix, du flow, de la présence... Faut dire que quand même, niveau maîtrise, c'était (et c'est toujours) très fort ce titre là. Le morceau, au fond, est tout simple. Une banale histoire de dinde qui veut plumer un micheton (quelle salope cette Suzie) mais que ça soit ce mec là qui en parle en ces termes là (en n'ayant pas peur de dire qu'il s'était bien fait niquer), c'était bien. La prod, légère et guillerette, se prêtait parfaitement à l'exercice.

Il avait eu raison de réenregister le titre, de modifier quelques rimes, ça gagnait grave en fluidité et ça permettait de mieux mettre en avant les progrès considérables que Clark avait pu faire derrière le micro. La pochette du maxi annonçait "Daddy Lord C & La Cliqua" (photos par Armeni Blanco) et on voyait toute la clique derrière le boxeur (qui finira par devenir champion de France pro quand même), moi du coup je l'attendais à fond leur premier skeud. Et je serai pas déçu (c'est une autre histoire), pas comme avec le solo du Dad malheureusement.

En écoute, le remix bien sur mais aussi la version originale de "Freaky Flow" et un petit "Les Jaloux" première mouture parce que... "Daddy Lord C remet de l'ordre ici".

07 mars, 2006

La magie des 6 Noirs

Aaaaah là je m'attaque à un de mes disques de chevet. J'ai juste un petit problème de chronologie personnelle, je sais plus quand j'ai découvert tout ça, avant ou après la tape de Cut "Spécial Ménage A 3", j'étais pas super au top de l'actu à cette époque là. Je me souviens d'avoir acheté le maxi de "La Magie Du Tiroir" à un disquaire qui avait un stand sur un marché en Bretagne. A St Malo ou à Dinard. J'ai eu du pot quelque part, j'ai l'impression qu'il n'y en a pas eu des tonnes de sortis. En tout cas, je suis jamais retombé dessus dans les bacs d'occaz.
Y avait pas grand chose dessus, 3 titres seulement mais pas les plus mauvais.

2Bal 2Neg' "La Magie Du Tiroir" (1996)
Crépuscule / Echec Et Mat
1. 2Bal 2Neg' - La Magie Du Tiroir (Radio Version)
2. 2Bal 2Neg' - Labyrinthe (Album Version) (feat. Vestat, Rocca, Vensty, Mr. R & NOB)
3. 2Bal - Où Est Mon Gang ? (Bonus Track)
Ça a l'air un peu désuet aujourd'hui mais à l'époque le thème de "La Magie Du Tiroir" était assez original. Jusqu'ici, les disques qui sortaient étaient ceux d'artistes signés en maison de disque et là, on a des mecs qui gueulent "allez vous faire foutre, on fait notre biz sans vous vu que vous voulez pas de nous". Assez couillu et l'image utilisée était bien trouvée. Ils en auront chié pour le sortir leur disque si mes souvenirs des interviews de l'époque sont bons (je dois toujours avoir les Radikal dans ma cave, faudra que je cherche) : pas de thunes pour les studios, c'était le système D pour trouver des bandes. Je crois me souvenir aussi que le disque a mis un an et demi pour sortir et que les jumeaux des 2Bal n'avaient que 16 ans au moment de l'enregistrement. Impressionnant quand on écoute leurs prestations.
"Labyrinthe" c'était exactement le genre de titres que je kiffais : plein d'invités et un concours à celui qui rentre le plus dans la gueule de l'autre. Et pour finir "Où Est Mon Gang ?" un morceau des 2Bal Niggets (les jumeaux Doc TMC et G.Kill et le créateur du Ménage, Krokmitten) bien sombre qui impose bien l'identité du MA3. Manquait que la folie du Krok'...

Ah ouais au fait, pour ceux qui l'ignorent, 2Bal 2Neg' c'est la réunion de deux groupes bien distincts qui ont unis leurs forces et ressources pour sortir un disque. Les 2Bal Niggets from da 77 dont je viens de parler et les 2Bal' composé de deux frangins aussi (Niro et Kicklow) accompagnés d'un troisième comparse (Eben) et originaires du 94. Pour ce projet là, ils reçoivent le soutien de deux duos de producteurs : KiloMaitre Production (Tefa et Masta) et White & Spirit. En réécoutant l'album, je me faisais la réflexion que des titres comme "Que Faire ?" ou "Ma Vision Du Monde" sonnaient comme les trucs de La Cliqua de cette époque là (c'est une bonne chose).

Le Tefa dont il est question, c'est le même que dans "Les 11 Commandements" et c'est le frère d'une fille que je croisais souvent en vacances à St Cast le Guildo (Côtes d'Armor, 22), la petite Béa B. dédicacée dans le dernier titre. KiloMaitre Productions étaient venus avec Eben pour maquetter l'album de J.Mi Sissoko en 1997 (ça sortira pas d'ailleurs). On s'asseyait sur un banc en face de l'appart où ils étaient et on les matait bosser par la baie vitrée. D'ailleurs je me souviens d'avoir vu Masta rapper et c'était pas mauvais. J'avais eu mon album dédicacé grâce à une copine, Charlotte (super mignonne) qui bossait dans la crêperie où je rentrais les tables le soir. Eben a pas du s'ennuyer, l'enfoiré.

2Bal 2Neg' "3x Plus Efficace" (1996)
Crépuscule / Echec & Mat
1. Intro
2. 2Bal 2Neg' - La Magie Du Tiroir
3. 2Neg' - Accepte Mon Concept
4. 2Bal - Gued 1 (Dingue Remix) (feat. Kid Mesa & Rick Sweet)
5. 2Bal - Que Faire ?
6. 2Bal 2Neg' - La Rue Est Comme...
7. 2Bal 2Neg' - Labyrinthe (feat. Venstat, Rocca, Vensty, Mr. R & NOB)
8. 2Neg' - Que d'Injustice (feat. Emi & Gravity)
9. 2Bal - Poètes De La Mort (feat. Mr. R)
10. 2Bal - Où Est Mon Gang ?
11. 2Neg' - Noir C'est Noir (feat. Lyon S)
12. 2 Neg' - Ma Vision Du Monde
13. 2Bal 2Neg' - Interlude
14. 2Bal - Vie De Chien (feat. Emi)
15. 2Neg' - Old School Shit
16. 2Bal - Dingue
17. 2Neg' - Lascars
18. 2Neg' - Est-Ce Qu'on Flingue ?
19. 2Bal 2Neg' - Lève Ta Main (Mission Suicide)
20. 2Bal 2Neg' - A Suivre...
Et donc cet album, ben il est bien. Vraiment bien. Et pas que parce que la nostalgie joue. Déjà c'était quand même bien produit (ah ce petit sample de "Melody Nelson" pour "La Magie Du Tiroir") et de ce coté là, ça vieillit carrément bien. L'album est assez varié, des samples de jazz, des trucs plus dark, des trucs festifs, y en a pour tous les goûts tout en gardant une vraie identité.

Ensuite, parce que ça rappait sacrément bien, surtout les 2Bal d'ailleurs. Les jumeaux ont une présence incroyable, techniquement c'est super fort (16 ans merde). Ils s'amusent avec leurs voix (TMC chante pas mal... il avait fait un morceau solo sur une compile de Tonton David vraiment sympa), balancent des trucs bien connards et puis de temps, sont capables de trucs plus personnels avec pudeur ("Que Faire ?" qui avait été clippé).
Et puis y a Krokmitten. Complètement dans son monde le fondateur du Ménage A 3. Le mec est super discret, on ne voyait jamais sa tête (il s'amusait bien avec ses masques) et on savait très peu de choses sur lui. J'avais lu dans "Rap Ta France" qu'à l'origine il officiait sous le pseudo de Harry X à ses débuts du coté de Villeneuve Saint Georges où Solaar le croisait de temps à autre. Même dans les 2Bal, on l'entend peu mais merde, je suis fan. Son couplet halluciné sur "Poètes De La Mort" fait partie de mes couplets préférés de tous les temps. Depuis, il a fait des vidéos complètement incroyables et des disques absolument dans la matrice (y en a un où il raconte l'histoire des jeux vidéos en enchaînant des noms, bien perché).

Quant aux 2Neg', c'est clairement Niro qui tenait la barraque. Il est speed, plutôt technique même si aujourd'hui son flow est assez daté. C'était pas mal écrit, en tout cas souvent mieux que son pote Eben qui était un peu trop en force et en sérieux. J'aimais bien Niro pour son humour et son coté "je m'éclate sur le beat". Kicklow, j'ai jamais trop bien pigé ce qu'il foutait dans le groupe. J'ai eu une période où j'étais à fond sur les apparitions des 2Neg' sur l'album, le coté "conscient" tout ça et puis finalement non, je reste un connard alors rendez moi mes Niggets.

Avant d'oublier... Les interludes de l'album sont cools. Celui en plage 13, cette petite boucle de piano délicate qui servira d'habillage à une scène de "Ma 6-T Va Crack-er" il me semble et surtout le "Old School Shit" qui parodie les sessions freestyle de Radio Nova à l'ancienne. L'animateur qui parle en faisant genre "je rappe", les mecs qui rappent depuis deux semaines et les blases ridicules ("MC NEW !!! ET MC FORCE POPOPOPO !"). Aller, je repose mon petit frites-merguez... Ok c'est sur...

C'était bien ce disque, je l'aime toujours autant même si je sens bien qu'il commence à vraiment vieillir. L'aventure 2Bal 2Neg' s'est terminée avec un concert à l'Elysée Montmartre, ça avait fait la couv' de Radikal. Le drame. Je n'étais pas allé à celui-là. Avec Loïc (ça faisait longtemps que j'avais parlé de lui tiens), on était allé à la Clé à St Germain. La salle était blindée, que des Renois foncedés... Un peu trop d'ailleurs, ça a fini par partir en baston. Eben a arrêté le show et est descendu dans la fosse pour afficher les mecs. Marrant, ça a calmé tout de suite tout le monde même si ses potes sur scène étaient un peu inquiets (visiblement il est difficilement controlable sous pillave). En tout cas, c'était mortel. On est resorti de là dégoulinant de sueur (bravo l'aération mais pas seulement), les mecs assuraient sacrément. Putain de bon souvenir.
Ensuite, Doc TMC a fait des grosses conneries et a pris 15 ans fermes. Peu de temps après, Niro a sorti un maxi estampillé 2Bal 2Neg' "Du 77 Au 94 La Charge", un truc assez médiocre, bricolé bizarrement. Un seul titre inédit, l'autre face c'était un morceau de Niro. On a compris, te casse pas, c'est bel et bien fini et vous n'aurez pas eu l'occasion de faire le disque de trop ensemble.

Et pour la route, quelques titres dans la radio blog : "La Magie Du Tiroir", "Labyrinthe" avec Venstat, Rocca, Vensty, Mr. R & Nob pour les morceaux des deux groupes réunis, "Ma Vision Du Monde" des 2Neg' et deux morceaux des 2Bal' "Que Faire ?" avec Doréa au refrain et bien sur "Poètes De La Mort" feat. Mr. R encore (Krokmitten rulez).

06 mars, 2006

J'apparais sur l'instru comme une roquette à fragmentation

VA "Dontcha Flex vol.3" (1997)
Mix-tape
- Face A
1. Res.K-P
2. Les Reptiles feat. Mr. R & X-Ena
3. Nysay
4. ATK
5. Malone
- Face B
1. Dany Dan & Driver
2. Busta Flex, Mass, La Vipère & Dontcha
3. Zoxea, Dontcha & K-Reen
4. E.K-Tomb
5. Seul 2 Seul & Quitte Ou Double

VA "Dontcha Flex vol.4" (1997)
Mix-Tape
- Face A
1. Dontcha, Mass, Joey Starr & Lord Kossity (refrain : Peggy)
2. Mass, Dontcha, Daddy Lord C & Les Reptiles
3. Iron Sy & Test
4. Dontcha, Daddy Lord C & Dexter
5. Antilopinterlude
6. Less' Du 9
7. Clash Impro : Zoxea vs Dontcha
- Face B
1. RCFA
2. ATK
3. Akt[é]Fraz[é]
4. Fatcap
5. Les Refrés
6. Improbonus : Zoxeakopat
A la fin des années 90, la mix-tape était le passage obligé pour tout MC qui voulait se faire connaitre et c'était un vrai échange de procédés entre le DJ/l'instigateur et les artistes. Pas un simple délire "wesh t'as vu j'monte un projet mix-tape là, vas-y fais moi un morceau, tu trouves une prod originale, tu fais un inédit et tu dédicaces mon truc dans un couplet t'as vu... Hein ? Un studio ? Ah non man, j'ai pas de studio mais c'est pas reuch. Vas-y, je te rends service, fais pas ta pute !" (et avec les net tapes c'est pire encore). Les mecs aimaient rapper, on les prenait pas encore trop pour des cons et y avait pas encore les facilités d'autoprod qu'il y a aujourd'hui donc la mix-tape était un vrai support à prendre en compte.

Dontcha Flex, on l'avait entendu sur "Hip Hop Vibes", la compile de Lord Killer sortie chez Night & Day en 1996 mais c'était un peu un inconnu parmi un paquet d'autres. Et puis les disquaires spécialisés parisiens mettent en vente une tape à son nom, le volume 3. On apprendra plus tard qu'à l'origine Dontcha officiait en Belgique et qu'il y a sorti les deux premiers volumes.

De toutes les mix-tapes que j'ai pu écouter (et mon parcours m'a conduit à en écouter des centaines... pour le pire le plus souvent), je crois que ces deux là sont mes préférées. Devant les "Poska #25", "Opération Coup 2 Poing" et quelques autres considérées comme des classiques. Pas de mix, pas de DJ, pas de prods originales mais que des titres inédits sur des grosses faces B américaines. Et niveau casting, le choix a été judicieux.

Ces tapes m'ont fait découvrir ATK à l'époque. "Microtest" était sorti de façon confidentielle et exclusivement en vinyle en 1996 mais je ne l'ai eu dans les oreilles que des années plus tard. J'ai toujours aimé les posse cuts, les trucs avec trouze mille mecs qui viennent placer un 16 mesures histoire de jouer à celui qui a la plus grosse. ATK, ils étaient 6, c'était déjà pas mal et ils avaient tous un truc différent entre les chouineurs conscients (Axis et Antilop.SA), les "techniques classiques" (Test et Fredy K) et les doux dingues, mes préférés Cyanure et Fréko. Sur la 4, ils posent sur le sample de valse à la con qui a fait le succès d'André Rieux et sur la 3, sur la même boucle utilisée par Xzibit pour "Paparazzi" donc gros samples de musique classique grillés. Ça avait son charme à l'époque...
Ils devaient être pas mal avec Dontcha à l'époque puisqu'on retrouve également Antilop pour une interlude (assez insignifiante) et Test avec Iron Sy sur "Dé Dé Dé Dé" (il avait déjà un truc à l'époque l'ami Sy).

Dans la catégorie découverte, il y avait aussi les Reptiles (Anaconda, Royal Cobra Naja et La Vipère) qui étaient les "petits" de Mass des Res.K-P. Ils avaient un style haché dynamique vraiment bien foutu avec les déterminants qui sautent devant les noms, ça avait de la gueule. Les prestations de La Vipère sur ces tapes, avec quelques couplets de Mel (du Délit), c'est un peu ce que j'ai pu préférer en France quand une meuf prenait le micro.

La Dontcha 3 c'était aussi la première apparition d'un duo de Boulogne (protégé de Zoxea) nommé Nysay. Cash (aujourd'hui Salif) et Exs sont tout minots mais sont clairement monstrueux. C'est là que Salif pose pour la première fois "J'marche en groupé, dès qu'j'mets l'grapin sur une groupie, j'fais néné à ma troupe et ça s'passe dans l'local accroupi" (très limite je le reconnais). C'est marrant mais à cet époque, les duos c'était plus que "je pose mon 16, maintenant c'est à toi et le dernier on fait moitié-moitié", chacun intervient sur les couplets de l'autre, comme en concert. Y a pas à chier, ça donnait une autre dimension aux trucs.
Ils en place une pour leur "maison de prod" dans le morceau, C 2 La Balle qui regroupait à l'époque Nysay, Tony Fresh (Mafia Underground) et L'Skadrille sous l'égide de Ziko (ex-La Brigade), label qui malheureusement ne sortira pas grand chose.

En parlant de crew qui auront pas donné grand chose, Joey Starr aura été balèse (tiens, la Dontcha 4 ça doit être sa première tape). Après avoir clamé Black Tagga avec Solo et Polo, y a une histoire de Perestroïka avec Dontcha et sans doute quelques autres (Socrate de Tandem, originaire d'Aubervilliers où Dontcha a posé ses valises après la Belgique ?). Bon, on n'en verra pas la couleur. La collaboration entre Dontcha et Joey ne durera pas des masses non plus. Jaguar Gorgone (boooom bang !) devait réaliser le solo de son pote ("Les Bords Du Fleuve") mais comme avec Beedjy (une meuf dont il était également aussi sensé s'occuper), l'histoire finira en eau de boudin. Mais Jojo aura pas tout perdu au change, suffit de regarder le tracklisting des tapes et de les comparer avec celui de la première compile "B.O.S.S." : Les Reptiles, Fat Cap, Mass, Iron Sy (tous signés chez Joey et Spank mais qui n'auront toujours pas sorti d'album en 2006), Akt[é]Fraz[é].

Les mix-tapes, c'était à la fois l'occasion pour les MCs de tester des couplets et pour les auditeurs de se tenir au courant des derniers rapprochements du milieu rap. Le couplet de Busta Flex sur la Dontcha 4 en est le meilleur exemple : on retrouvera ses rimes sur son premier album (ou alors sur un inédit sorti en face B d'un maxi, flemme de chercher là) et on découvre le rapprochement entre le Flex Baba et Kool Shen ("J'en place une pour Zizi, Jimmy, pour Kool Ne-she"). C'était un peu le début de la fin du Busta de la grande époque, juste avant son album chez IV My People, encore dans la dynamique freestyle.
J'aimais bien ce truc d'ailleurs. Acheter un album et pouvoir chanter les couplets dès la première écoute (genre "Les Bords Du Fleuve" de Dontcha ou Mr. R sur "Sachons Dire Non" je crois), ça créait un climat complice entre le disque et moi, et ça j'aime bien.

C'était sympa ces K7, y avait une bonne ambiance. Le clash sympathique entre Zox' et le DON qui, à défaut d'être vraiment bien (comme le voudrait la légende populaire) est amusant. Même chose pour l'impro de Zox'. Et puis à part quelques titres franchement passables (celui de Malone et le 2ème des Refrés), ça tient sérieusement la route. Tous n'ont pas fait une longue et riche carrière mais ils ont plus ou moins compté à un moment ou à un autre dans leur style. Ah et je savais pas où le dire mais "c'est dingue comme la voix de Seul 2 Seul ressemble à celle de Kery James sur cette tape !". Voilà.

Bon, petite sélection pour la radio blog, je vais me faire plaisir... On va mettre du Res.K-P, du Reptiles, du ATK, du Nysay et puis d'autres trucs. Aller zou.

28 février, 2006

Hip Hop Vibes a de jolies jambes

VA "Hip Hop Vibes" (1996)
Night & Day
1. DJ Yves - Haute Tension
2. 3 Coups - Miroir
3. E.K-Tomb - Piège
4. Dontcha Flex - Je T'Epate
5. Puzzle - Venu Des Souterrains
6. Coos J. Mwapa - Mission Accomplie
7. Gued-1 - Gued-1 Elite
8. MAG - Aucune Chance
9. Malédiction du Nord - Juste Bon Pour Le Sacrifice
10. Jazzywill & Bamboo - Icognito
11. Sefaket Kurk - Couteau A Double Tranchant
12. Mic Xeno - Insomniak
13. Art Syndrom - Mal A La Tête
14. Ad'Hoc-1 - Criminalité
15. Res.K-P - Fais-Toi Plaisir
A l'époque, j'avais toujours un oeil sur les sorties Night & Day (y a comme de la redite) et je traquais toutes les apparitions de la Cliqua et du Ménage A 3. D'ailleurs, ça m'a poussé à acheter certains trucs parfaitement horribles du genre la compile "Pax Mafiosa" dont je n'ose même pas remettre le disque dans ma chaîne. Mais pour le coup, "Hip Hop Vibes" compilation instiguée par Lord Killer avec la collaboration du label Phat Crats et le soutien du SAN d'Evry contenait quelques trucs sympas et servait de support à la première apparition de certains qui feront un bout de chemin.

On va la faire rapide, sur les 15 titres, y en a pas la moitié à retenir. Puzzle n'ont pas encore le coté carré qui fera leur succès (d'estime) quelques temps plus tard, Coos J. et Mwapa ne rappent pas franchement bien et le délire "black pro" est un peu limite, la prod du morceau de MAG est cacophonique, le titre Jazzywill & Bamboo est génant de wannabisme, etc...

Du coup, obligé de se retourner vraiment sur la raison première de l'achat et tant pis pour les surprises (ou presque). Pas de 2Bal' Niggets pour le coup mais les 3 Coups, Ad'Hoc-1 et les Gued-1. Ces derniers, on les a quasimment jamais entendu d'ailleurs... à juste titre quelque part puisque "Gued-1 Elite" (produit par DJ Fun) est encore super light. On retrouve quelques quelques gimmicks déjà entendus sur la tape de Cut mais comparés à Ad'Hoc-1 par exemple, ça tient pas la route.
Les Ad'Hoc font bien plaisir d'ailleurs, avec un titre dans la droite lignée de "Ad'Hoc Mène La Barre". Philo et Mah-Jong ont la pêche, c'est un vrai duo où chacun intervient pendant les couplets de l'autre et il avait un certain pour le refrain qui reste dans le crâne.
Ce sont eux qui assurent l'intro du morceau des 3 Coups, un morceau assez classique de Mr. R et Lyon S (comprendre Mr. R en fait trop et Lyon S a une putain de voix). Pas franchement indispensable mais les apparitions du duo sont rares et puis y a une grosse part de nostalgie.

Dans la famille du Ménage A 3, je voudrais les deux fêlées morbides D. Maxxi (alias "The Grave Digga", tout un programme) et D. Abless d'E.K-Tomb. Alors là, c'était un peu la révélation pour moi. Ok c'est super forcé dans le délire "on prend des voix d'outre-tombe" mais merde, elles assuraient les deux. Je sais pas, j'ai toujours eu de l'affection pour elles même si clairement, c'est too much. Et puis ça me rappelle un tournoi de volley à l'héliport de je sais plus où à coté de Paris, le walkman vissé sur les oreilles, le soleil qui cogne, Fanny et Clémentine avec leur petit short...

Dans un délire assez proche, La Malédiction du Nord faisait une apparition remarquée ("J'ai pissé dans l'saint Graal, baptisée dans la 8.6. la Malédiction du Nord ramène le 666"). Bouuuuh attention on fait de l'horrorcore ! Impossible à réécouter ce titre en fait. Pourtant il faisait bien parler de lui à l'époque. Je sais plus s'il était sur leur EP, un vinyle qui m'a toujours fait rêver parce qu'il était violet transparent (comme celui de la Cliqua que je me bouffe encore les couilles de pas avoir acheté à l'époque... tout transparent). Mais bon, c'était trop glauque pour moi, trop joué ça me fatiguait rapidement.

Marrant que je dise ça parce que j'ai toujours bien aimé les Res.K-P, et dans le genre surjoué ça se posait là quand même. Les mecs prennent des voix pas possibles, reprennent la chanson des nains de Blanche-Neige, ça rappe même pas spécialement bien ! Je sais pas qui est qui (à part Mass la grosse voix et Tema l'Alien et sa voix de cartoon) mais ils ont l'air de tous bien s'amuser ces gens là. Et c'est ça qui me plaisait bien.

Bon ben en fait, je me rends compte que cette compile c'est quand même pas mortel et que c'est plus le souvenir ému de ce tournoi de volley et des jambes bronzées de mes copines qui me le fait apprécier. Ah et j'aimais bien le tracklisting taggé : j'ai passé un moment à imiter les lettres dans mes classeurs au lycée. Ceci étant, j'aime vraiment le morceau d'Ad'Hoc-1 qui va se retrouver de ce pas dans la radio blog ("Criminalité") avec celui d'E.K-Tomb ("Piège"). Après j'étais en tatance pour en mettre d'autres... et puis finalement, allons-y, rions : Malédiction du Nord "Juste Bon Pour Le Sacrifice" et "Fais-Toi Plaisir" des Res.K-P. Et puis encore une louche de Lyon S pour la route ("Miroir").

27 février, 2006

Invasion... de disques dans mes étagères

VA "Invasion" (1997)
Night & Day
1. Cut Killer - Intro
2. La Cliqua - Apocalypse
3. Different Teep - La Rime Urbaine
4. Soul Swing - Radical
5. N.A.P. - Les Vieux De La Vieille (Whesh Part.2)
6. Ideal J - Attaque Contre Attaque
7. Mr. R feat. Le Philosophe - R III
8. Double Pact - La Vie En Face
9. Section Fu - Full Concept
10. Expression Direkt feat. Rohff - J'fais Pas De Sentiments
11. D. Abuz System feat. Oxmo Puccino - Est-ce Qu'ils Sont Prêts
12. Légitime Processus - Fifty Fifty
13. Tout Simplement Noir - La Vie d'Artiste
Je vous ai déjà parlé de Night & Day pour dire que c'était bien. Je persiste et je signe. En 1997, le label a recueilli pas mal de groupes de ce qu'on appelait "l'underground" français. C'est quand même marrant de parler d'underground à l'époque, surtout vu le nombre de groupes qui passaient en heavy rotation à la radio. Vraiment un truc d'ado qui se cherche à se mettre en opposition par principe. Le rap quoi. Quand on regarde l'horrible pochette, c'est vraiment ça : une Renoi en treillis (c'est la guerre man) qui prend d'assaut Paris, maltraitant ses symboles (le kondé, le béret-baguette, le juge, la Tour Eiffel et l'Arc de Triomphe) avec un plaisir non dissimulé. Wesh mon pote, le rap français envahit la France et nique tout sur son passage popopo !

Donc, N&D sont conscients qu'ils ont du bon sous le talon décident de faire une petite compile avec les artistes du label et ils confient la "coordination artistique" (je cite le livret) à un certain... Mehdi Faveris-Essadi. DJ Mehdi, Ideal J. Le bonhomme avait mis une bonne claque à tout le monde avec "O'riginal MC's Sur Une Mission". Et il nous récupère de l'inédit (au moment de la sortie) avec des trucs qui resteront comme des gros morceaux du rap français.

C'est un produit bien bossé quand même. Cut mixait des extraits de tous les groupes présents (il avait bien kiffé sur Rohff visiblement d'ailleurs), on avait un délire mix-tape sur CD, ça claquait bien. Le livret était sérieux aussi, petite présentation des groupes sans en faire trop dans la promo (mettre un son de N.A.P. en disant qu'ils arrêtaient de rapper, c'était marrant), ça permettait de situer un peu tout ce monde (et donner des envies d'achat arf).

Comme des narvalots à l'époque, on a pas mal scotché sur "R III" (le premier album de Mr. R n'était pas encore sorti) qui craint quand même salement. Le sample de musique classique de Black Mozart, R qui partait en couille sur le refrain... On ne peut pas dire que ça ait bien vieilli (ni même que ça ait été vraiment bien en fait).
Dans un autre délire mais aussi insupportable (et déjà à l'époque), les Marseillais du Soul Swing. Les mecs s'appelaient Dope Rymes Sayer (aujourd'hui Faf Larage) et Grand Organisateur DEF (Def Bond), quand même, gardez la pêche les mecs. Le troisième à rapper n'était autre que... K.Rhyme Le Roi. Que du lourd. Le rap marseillais, ça a toujours été un peu naze, un peu balourd et là, on n'était pas dans les meilleurs exemples du contraire.

Dans le genre "j'aime bien mais j'ai un peu honte", le morceau de N.A.P. (New African Poets, les Strasbourgeois straight outta Neuhof) avec son ton larmoyant et son piano-violon de rigueur m'avait donné envie d'acheter leur album "La Racaille Sort 1 Disque". Et puis je réécoutais bien le morceau et je me rendais compte que non, les mecs étaient p'tet sincères et tout mais... ils rappaient pas très bien. Et comme l'album était pas donné et que j'avais pas trop de sous, je me suis abstenu. Sans regret finalement.

Je l'ai déjà dit mais à la base j'étais dingue de la Cliqua. Alors forcément un inédit, ça se fêtait. Sauf que non, j'ai jamais été emballé par "Apocalypse" et aujourd'hui encore, il me laisse une impression bizarre ce morceau. Déjà, Ace à la prod m'avait pas convaincu, je préfèrais la patte feutrée d'un Chimiste. Après, Egosyst avait quitté le groupe, Doc Odnhok était devenu Kohndo et la fraîcheur légère amenée par le duo de Boulogne manque cruellement. Quant à Daddy Lord C, il est en cours de mutation ce qui l'amenera au médiocre Dad auquel on aura droit sur "Le Noble Art" (une de mes plus grosses déceptions). Le délire martial du morceau est lourdingue, on les sent crispés, trop dans le démonstratif qui tombe à plat. Le début de la fin...

La Mafia K'1 Fry commence à se placer sérieusement dans le petit monde du rap français. Different Teep a sorti un premier maxi en 1995 ("La Route Est Longue" dont une nouvelle version, produite par DJ Mehdi sortira l'année d'après), Ideal Junior est devenu Ideal J, "La Vie Est Brutale" est enterré et la renaissance se fait de fort belle manière avec "O'Riginal MCs Sur Une Mission" et Rohff a fait ses armes sur "Guet-Apens" du TIN et Weedy.
Manu Key, Lil Jahson et Mista Flow prennent un coup de vieux à coté de leur nouvelle garde. Leur maxi avait reçu un bon succès d'estime, les gens attendaient la suite mais des petits soucis de justice laisseront Manu en solo pour un moment pendant que les jeunes font leur trou. "La Rime Urbaine" n'est pas foncièrement mauvais mais à côté du "Attaque Contre Attaque" de Kery, il fait pâle figure. On est dans la droite lignée de l'album, on a la même urgence, le même caractère écorché vif (je m'emballe un peu nan ?) et la prod de Mehdi, bien représentative de son époque, permet au titre de se classer parmi les meilleurs du genre. Quant à Rohff, il ne fait qu'assurer le refrain du sombre et violent "J'Fais Pas De Sentiments" (c'est moi où ça sample la pub Obao ?), pas forcément grandiose au passage, mais il en impose.

A l'époque, ils trainaient ensemble tous là : D. Abuz System, Express D., Mafia K'1 Fry. Et Abuz mettait des gifles au micro à 90% des rappeurs français. Putain, quand il démarrait à fond comme sur "Est-Ce Qu'Ils Sont Prêts", ça cognait dur. Des punchlines connard comme il faut, bas du front du genre "Hey MC t'as un chat dans la gorge ou quoi ? On va te mettre une souris dans le cul peut être qu'il descendra", grande classe. Mais il assurait aussi dans le genre posé, souvenez-vous de "Pourquoi".

Dans le genre "Je fais bien ce que je sais faire", je demande Double Pact, Section Fu et TSN. Les premiers ont passé un palier depuis "Impact N°3" : la prod d'Yvan est plus léchée, Stress et Nega ont fait des progrès considérables aussi bien niveau forme que fond et se complètement mieux que jamais. Malheureusement peu de temps après, Night & Day fermera ses portes et leur premier album n'aura pas de distrib' en France (je l'ai en vinyle quelque part, faut que j'y rejette une oreille ça promettait quand même).
Pour Section Fu, "Full Concept" fera partie de la longue liste de titres éparpillés sur des compiles et qui auront retardé l'album de Dexter, Voodoo, Linko et Rudee (Atimali aujourd'hui)... à tel point qu'on ne l'aura pas avant 2003 (trop tard). Là c'est vraiment le concept de la Section, le délire de l'échiquier. C'était super original à l'époque, le EP "Mortal Kombat" était un must have. Avec le recul, je déchante un peu : j'aime toujours autant la voix de Voodoo, Dexter me fait marrer avec son off beat mais les deux autres sont un peu transparents. J'ai une grosse affection pour eux mais merde, je m'étais mis dans la tête qu'ils rappaient mieux que ça.
Et enfin Tout Simplement Noir... Les trois Négros Parigos que sont J'L'Tismé, Bess et L'Parano Refré cloturent la compile tranquilement, toujours aussi "jmenbalek" et branchés cul que sur "Dans Paris Nocturne". Laaaaaaaaaaaid back et toujours classe ("Puis j'vais iech iech yo dans mes te-chio, tu t'demandes ce que j'ai damé, c'était pas des fayots").

Pour la fin je me suis gardé les méconnus Légitime Processus. Trois MCs (Efay, K-Libre et 2Toff), un toaster (Loo Ranks), un DJ (DJ LC) et un producteur (RC) qui n'auront pas eu grand succès au delà de l'estime de quelques DJ et quelques auditeurs éclairés. Il y avait un morceau assez mémorable sur leur album éponyme, "Quel Pied Quand Elle Pleure" où Efay parlait de sa bite (et non, pas la peine d'appeler les Chiennes de Garde, ce n'est pas une apologie des violences conjugales), c'était quelque chose. Je les avais découvert avec "Fifty Fifty" justement, où seuls Efay et Loo Ranks sont présents. Il aura fallu attendre que j'ai l'album (en vinyle, wesh "Résistance Vinylique" ou quoi) pour capter que le premier couplet n'était interprété que par un seul mec, Loo. Bluffé étais-je. Et Efay s'en sortait pas mal même si aujourd'hui ça a vieilli. Le refrain restait dans le crâne et puis y avait des bruitages de Street Fighter II aussi. Gros coup de coeur ce morceau, il me fait toujours bien plaisir.

"Invasion", ça fera comme "La Haine", ça me coutera des thunes. Il fallait que je comble les trous dans la discographie. D'ailleurs, à part Soul Swing et NAP, il doit pas me manquer grand chose. Ah si putain, j'ai "Dans Paris Nocturne" qu'en K7...
Trève de blabla, j'en ai déjà étalé une sacrée tartine, on va se mettre un peu de son : Ideal J bien sur ("Attaque Contre Attaque"), D. Abuz System avec Oxmo Puccino au refrain ("Est-Ce Qu'Ils Sont Prêts - Tu crois marquer comme l'encre mais tu n'es qu'un trait de craie") et le "Fifty Fifty" de Légitime Processus. Et puis "La Vie En Face" de Double Pact tiens, aller.

24 février, 2006

Tu en tomberas forcément accro... codile



Sacré Bruno. Il m'avait tué sur "Autopsie" avec Ministère AMER en 1994 ("95200" mon album de chevet en rap français), ses jeux de mots à deux balles, sa nonchalance, sa façon de parler de son quartier... Présence furtive mais ô combien remarquée. C'était un sacré bon titre d'ailleurs : le refrain complètement débile ("Tant pis pour ta mère v'la le Ministère !"), l'extrait de "American Me", Stomy qui reprend des comptines pour parler de camés, j'ai saoulé les gens dans la cours de récré au collège avec ça !

Je savais pas grand chose de ce Bruno/Doc Gynéco. Il n'avait fait que ça et vu qu'à l'époque, Passi et Stomy ne faisaient pas de compiles, c'était un peu l'invité mystère mais définitivement, ce mec avait un truc à part.

Et puis deux ans plus tard, un CD 2 titres arrive dans les bacs, "Viens Voir Le Docteur" (ouais putain, quand j'y pense, acheter des 2 titres, quelle connerie, surtout quand y a même pas d'inédit ou de remix dessus). La prod est lente, groovy, chaude. On est loin des canons du rap de l'époque qui fronce les sourcils ou couine sur des boucles piano-violon en clâmant le "vrai" Hip-Hop.
Bruno chantonne, joue avec les mots, use et abuse des métaphores avec une nonchalance narquoise inédite. Pas de violence, pas d'histoire de quartier, Gynéco parle de filles, de cul. On est en pleine guéguerre anti-wacks (après les délires old/new school). Faut dire qu'on se tape de sacrées merdes dans le genre festif à la con ou calibré pour la radio : les Kim, les Squeegee (des mecs de Besançon qui avaient fait un clip horrible façon "Braveheart") et d'autres perdus dans les méandres des one-hit-wonders (et encore). Mais Bruno, il a un truc. Il a un univers, un vocabulaire, une présence.
Et puis sur le 2 titres, y a un feat. de Passi qu'on n'avait pas entendu depuis "95200" ou presque. "Est-Ce Que Ça Le Fait ?" (ouaaaaaaaaaaaais ouaaaaaaaaaaaaais) est lui aussi funky, chaleureux et même si les deux compères racontent n'importe quoi, ça reste méchamment dans le crâne. Bon, il arrive cet album ?
Tiens j'me disais là... C'est quand même moche que Passi n'essaie plus de s'amuser avec son flow comme il le faisait à l'époque. Ok il a jamais été un très grand rappeur mais au moins, on s'ennuyait pas autant que depuis qu'il fait ses "Dis L'Heure 2...".

L'album donc.
Doc Gynéco "Première Consultation" (1996)
Virgin France
1. Viens Voir Le Docteur (Dirty Moog Mix)
2. Dans Ma Rue (High For The Chronic)
3. Nirvana
4. Passement De Jambes
5. Né Ici
6. Vanessa
7. Classez-Moi Dans La Varièt'
8. Les Filles Du Moove
9. Si Tu Crois Que Je Pèze
10. No Se Vende La Calle (L.A. Razza Mix)
11. Celui Qui Vient Chez Toi (Quand Tu N'es Pas Là)
12. Est-Ce Que Ça Le Fait? (feat. Passi)
13. Tel Père Tel Fils (Papa Was A Rollin' Stone) (Version Radio)
14. Première Consultation

Franchement, malin le Gynéco. Il anticipe à fond. "Classez-Moi Dans La Variet'". Il fait du rap mais il faudra pas lui prendre la tête avec nos conneries de rappeur. La street crédibilité, le paraître, les sourcils froncés, la posture, il a observé visiblement. Mais il préfèrait jouer au foot. Ou avec ta meuf. Et aujourd'hui, maintenant qu'il est un rappeur de façon officielle, il a pas envie qu'on l'emmerde avec ça.
En fait, il a anticipé un tas de trucs quand on regarde. Il savait déjà qu'on allait lui casser les couilles parce que c'était pas "du vrai rap" ("Classez-Moi Dans La Variet"), qu'il allait avoir du succès et qu'on allait les lui briser avec les thunes ("Si Tu Crois Que Je Pèze"). Hop, direct, il a les réponses toutes prêtes, pas besoin de se fatiguer à écouter les mauvaises langues.

Pour un mec qui maquettait son truc pour se marrer sur des boucles faites à l'arrache la nuit pendant les sessions d'enregistrement de "95200", il savait quand même bien où il allait. Après, c'est une question de coup de bol, de Buretel qui était chez Virgin le signe et l'emmène à L.A. pour enregistrer son album avec des zikos. Je sais pas si y avait eu beaucoup d'albums de rap français enregistrés avec des instruments live jusque là. Le fait est que ça donne une sacrée chaleur au tout et lui permet de bien vieillir. Gynéco n'est pas là pour la technique mais pour la musique. Il fait les choses simplement, avec légereté et ça fonctionne.

Il m'a toujours fait marrer. "Les Filles Du Moove" annonçait la génération de skyblogueuses d'aujourd'hui en collant aux tass de boite de l'époque (doit toujours y avoir les mêmes mais j'y vais pas). Ça m'aurait bien fait délirer un bon morceau sur ces grognasses fans de photos de bébés en noir et blanc, de mecs torses nus (en noir et blanc toujours), de dauphins ou de chevaux qui copient-collent des textes de leurs chanteurs niais préférés à moins qu'elles ne se croient doués d'un talent pour la poésie dépressive. "Hihi elle cè ma best jt kiff cro cro cooooooo, lachè vo com!!!!! en + elle è celib !!!!!" ou "jte coné pa encor tro bi1 mè jte kiff grav !!!!". Bordel, y a des mecs qui sont serial niqueurs de ce genre de dinde. Mais je m'égare...

Un pseudo à la con qui choquera un temps les féministes, un single censuré en radio ("Nirvana" pour la phrase sur le suicide de Bérégovoy) et un autre qui connaîtra la foudre d'associations couineuses (putain pour prendre mal le coup de "les Youpins s'éclatent et font des magasins", fallait vraiment avoir envie de faire chier le monde) sans oublier les embrouilles avec le Secteur Ä (je la garde pour plus tard tiens), ça aide pour le marketing qu'on le veuille ou non, que ça soit calculé ou non.

Le public achète en masse un album de rap. C'est un peu l'alibi des familles pour dire "le rap c'est trop violent mais j'aime bien Doc Gynéco". Il veut amener le public au rap et le rap au public. Apologie du cul, du foot, des drogues douces, du quartier et dénonciation des délires intégristes du rap, ça parle à la ménagère qui veut s'encanailler sans choquer et qui veut rester à la page. Chapeau Bruno.

Aujourd'hui, Bruno Beausire fait partie du paysage culturel français. Il a sa marionnette de foncedé aux Guignols, il fait des albums plus ou moins réussis, il sort des bouquins où il parle de sa vie et de sa philosophie (et même que c'est pénible à lire) mais son premier album ne vieillit pas. Surement parce qu'il n'a pas été pensé comme un album de rap mais bien un album de variétoche sympa, malin et bourré de rengaines qui trottent dans la tête. Je le connais encore par coeur (à quelques exceptions près, genre "Première Consultation" que je trouve un peu light).

Petite sélection dans la radio blog comme pour chaque article : "Autopsie" avec Stomych et Passich, "Dans Ma Rue" qui lui a apporté le succès, "Les Filles Du Moove" parce que ça me fait toujours marrer ce coté "mec désolé pour ces pauvres filles", "Passement de jambes" parce qu'il rappait pas mal là dessus et en bonus, le duo avec les Rita Mitsuko pour un live sur M6 ("Si J'Etais Riche").

23 février, 2006

Kassovitz, tu m'auras couté du blé enfoiré...

VA "La Haine - Musiques Inspirées Du Film" (1995)
Delabel
1. Intro
2. Ministère AMER - Sacrifice De Poulets
3. Sens Unik - Le Vent Tourne
4. IAM & Daddy Nuttea - La 25ème Image
5. Expression Direkt - Dealer Pour Survivre
6. Sté Strausz' - C'est La Même Histoire (C'est Asmeuk)
7. La Cliqua (La Squadra) - Requiem
8. MC Solaar - Comme Dans Un Film
9. FFF - Le Vague A L'Arme
10. Raggasonic - Sors Avec Ton Gun
11. Les Sages Poètes de la Rue - Bons Baisers Du Poste
12. Assassin - L'Etat Assassine
1995. J'ai 14 ans, je suis en 3ème au collège Montaigne. Au cinéma, y a un film en noir et blanc qui parle de la banlieue qui sort. Je suis dans une période "fier d'être banlieusard" (pas non plus à faire du "represent" à tout va mais c'est là où j'avais trouvé mon identité à l'époque) et donc forcément, je vais le voir. Tourné à quelques stations de chez moi, à Chanteloup-les-Vignes (on voit un peu ma ville quand ils prennent le train pour Paname, trop la classe), Cut Killer qui mélange Edith Piaf, NTM et KRS-One à fond dans la cité, Aktuel Force qui break, des dialogues qui deviendront cultes ("Comment ils ont fait pour faire rentrer la voiture ?!"), j'en prends plein les mirettes.

Et puis y a la sortie de la bande originale. Enfin, des "Musiques inspirées du film", la véritable BO sortira elle aussi (avec "Mon esprit Part En Couille" d'Express D notamment, repris de la compile "Ghetto Youth Progress" de Rudlion) sur le même CD que celle de "Métisse", le premier film de Kassovitz.
Cette saloperie d'album m'a filé le virus "rap français" pour un bon moment. Sacré casting il faut dire. Aussi bien les poids lourds (même si finalement le titre de NTM n'apparaîtra pas) que la relève ont fourni des inédits de qualité (sauf Assassin mais le choix du titre est justifié par rapport au sujet du film). C'est surement la première BO (nan pas banlieue ouest négro) rap en France et peut être la dernière qui colle aussi bien au film auquel elle se rapporte. Un produit cohérent quoi, ça se perd de nos jours.

Et d'entrée de jeu, ça cogne dur. Une des seules apparitions du MÄ en dehors de ses albums (aujourd'hui, ils veulent nous la jouer "on est de retour" c'est assez grotesque, bref) et un procès à la clé : c'est "Sacrifice De Poulets" portés par un Stomy qui force sa voix de fausset et un Kenzy en ministre de l'information. Ils en auront pris plein la gueule pour ce morceau, condamnés même.
Pourtant, le futur gangster d'amour (sic) ne fait que reprendre les débuts du film en incarnant un émeutier qui veut se venger d'une bavure sur un des mecs de son quartier. En tout cas, du coup, la compile sera pas rééditée. Collector mon pote.
Bref, gros morceau, je mettais ça dans toutes les compiles que je me faisais sur K7.

Y avait aussi des mecs de mon département. A l'époque, c'était le désert. Les seuls mecs du coin dont on avait un peu entendu parler, c'était La Harissa, les Portugais d'Eragny/Cergy (et ils étaient du 95). Personne de mon entourage n'avait la compile "Ghetto Youth Project", ni le maxi de "Mon Esprit Part En Couille" donc je découvre Le TIN, Weedy, Kertra et Delta avec "Dealer Pour Survivre".
Je me souviens que le truc qui m'a le plus surpris au départ, comme avec le track de Sté (il m'a fallu un moment pour savoir si c'était bien une fille), c'est la quantité de verlan utilisé dans ce morceau : "chan-mé c'est la lère-ga et j'en suis trop goute-dé", vaille-tra, lère-ga, ille-cou... Pas que ça me choque, c'est du vocabulaire qu'on utilisait mais dans le rap, autant, c'était surprenant.
Au-delà de ça, y avait un mélange de chant (j'aime bien le brin de voix de Weedy), de pseudo ragga, de mecs véner' et surtout un accent de vérité qui donnait un résultat franchement réussi (3/4 Coste-La caillera ! A la kiss mon fils !).

Bon y avait des trucs qui me bottaient moins là dessus. Sens Unik, y avait un mec qui rappait avec une voix chelou et un flow à l'ancienne. J'aimais bien Osez sur le morceau en revanche. MC Solaar, on se rendait bien compte qu'en 1995, il était déjà tout fatigué (putain le coup de la "crotte de nez à New Dehli", ça me choquait déjà à l'époque) et FFF, ils faisaient un peu parachutés là par hasard. A force, je m'y suis fait à ce morceau, j'aime bien la voix de Marco Prince de toute façon je crois.


IAM & Daddy Nuttea, leur "25ème Image", c'était un peu le hit de l'album je me souviens. Le sample d'Akira fonctionnait bien mais comme tout morceau d'IAM, ça a salement vieilli. Et puis Nuttea, c'est plus mon copain. C'est dingue comme les flows d'Akhenaton et de Shurik'n font kitch. Le DJ d'Ivry et les Marseillais referont joujou ensemble sur "Un Cri Court Dans La Nuit" deux ans plus tard mais entre temps, Nuttea aura invité AKH et Daddy Mory pour poser une sorte de remix sur "Retour Aux Sources" (le morceau "Alerte").


Dans le délire Ragga, y avait Daddy Mory justement avec son pote Big Red. J'avais déjà entendu Mory sur "Raggajam" (premier album de Solaar "Qui Sème Le Vent Récolte Le Tempo" avec Kery James encore minot) mais j'avais jamais entendu Rapsonic le premier groupe de Big Red avec Crazy B (et toujours pas à ce jour d'ailleurs). Ils avaient l'air de bien se marrer ces deux là et puis essayer de les suivre, c'était le défi : fallait faire le morceau complet sans accrocher. Paie ton jeu de con. Ils sortiront leur premier album, bien sympa, la même année.

Bon on va passer sur Assassin assez rapidement. Avec le recul, je rigole doucement mais à l'époque... Putain j'étais à fond. J'ai pas découvert Squat et ses copains invisibles avec "Rapattitude" ni avec les deux volets de "Le Futur, Que Nous Réserve-t-il ?" mais bien avec "La Haine". Je suis vraiment tombé dans Assassin. Ça durera un moment. C'est dur mais j'assume. Mais j'y reviendrai.

Ministère AMER c'était du lourd, un de mes titres préférés. S'il avait fallu faire un top, il aurait été dedans avec deux autres titres : "Requiem" crédité à la Cliqua et "Bons Baisers Du Poste" par les représentants de Boulogne que sont les Sages Po'. Putain les gifles.

Bon alors en fait de Cliqua, il n'y avait "que" La Squadra, ce qu'on pouvait faire de mieux en matière de duo en rap français (j'ai beau cherché là, je vois toujours pas mieux). Daddy Lord C et Rocca. Un noir, un blanc. Une complicité au micro fabuleuse, une technique de dingue. C'est bon, y aura avant et après eux pour moi. Sérieux, avant eux, qui faisaient des pass-pass aussi bien foutus en France ? Les mecs partageaient le micro comme personne, ça donnait une énergie incroyable. Cherchez pas, je suis fan. Et puis la prod' de Chimiste aussi discrète soit-elle annonçait plein de bonnes choses pour un projet du groupe. "Conçu Pour Durer", intestable.

Et enfin, Les Sages Poètes de la Rue. Je les ai découvert sur scène en 1994 en première partie de MC Solaar. J'étais môme, j'étais venu voir le Solaar de "Bouge De Là", "Quartier Nord", "Obsolète" et finalement, je suis sorti du Zénith avec Les Sages Po' incrustés dans les rétines et les esgourdes. Je me souviens m'être dit "merde, c'est ça que j'aime comme musique".
C'était dingue ce groupe. Dany Dan la flambe à toute heure, Melopheelo le calme mélodieux (un peu à la ramasse par rapport aux autres mais il avait son charme) et surtout Zoxea, un flow de dingue, un talent indéniable en impro, une voix reconnaissable entre mille. Ce "Bons Baisers Du Poste", c'était bien foutu. Le coté "histoire vue par le prisme de trois personnalités différentes" (ziva !) et surtout la phase impro de Zox' à la fin du morceau. Une bonne synthèse des Sages Po'. Alors retiens bien "La nuit la galère c'est chaud, fais gaffe à toi, protège ton dos ! Méfie-toi des badauds qui arpentent les rues, la loi de la jungle tue, si t'es pas roi tu es perdu !".

Et donc cette compile m'aura coûté du blé. Parce que du coup, ça m'a fait acheter les disques de tous ces gens là. "Guet-Apens" du TIN et Weedy, "Conçu Pour Durer" de la Cliqua, l'album éponyme de Raggasonic, "Qu'est-Ce Qui Fait Marcher Les Sages"... Ces gens là invitaient d'autres gens, sortaient des maxis, posaient sur des mix-tapes. Et moi j'achetais compulsivement. C'est de votre faute si j'en suis là où j'en suis aujourd'hui ! Enfoirés !

Sélection blog radio sans surprise : Ministère AMER, La Cliqua et Sages Po' ! Petit bonus, "Alerte" sur l'album de Nuttea avec Mory et AKH en feat...