02 avril, 2008

Princes de la ville, rois des charts

Qu'est-ce que du rap commercial ? La question a longtemps fait débat dans les halls et déclenche toujours la polémique sur la toile, encore plus à l'heure où écrire au Tip-Ex son nom sur ses lunettes de peur de se perdre et danser comme un autiste se balançant de gauche à droite (surtout à droite, libéralisme oblige) permet de vendre des sonneries de téléphone par centaines de milliers. Mais pourquoi les djeunes téléchargent massivement des chansons sur leur téléphone !? Décidément j'me fais vieux.... Bref, dernièrement on m'a demandé si j'allais écrire des articles sur des albums plus récents (Yo Arno ! Un p'tit CDI pour moi chez Rap Mag ?). Genre 1999 - 2000 ? Non non, genre 2006 - 2007. Faut pas déconner non plus ! 1999 c'est déjà un bel effort vous trouvez pas ?





113 "Les princes de la ville" (1999)
Alariana / Double H

  1. Intro
  2. Ouais Gros
  3. 1001 nuits (feat. Big Red)
  4. Tonton des îles
  5. Les regrets restent (feat. Boss1 du 3° Oeil)
  6. Hold-up (feat. Intouchable)
  7. Reservoir drogue
  8. Jackpotes 2000
  9. Face à la police (feat. Faya Dem)
  10. Tonton du bled
  11. Main dans la main (feat. 113 Clan)
  12. Sans retour
  13. Les princes de la ville



Mais le but d'un CD n'est-il pas d'être commercialisé après tout ? Autrement dit, chaque CD serait commercial ? Ou plutôt commercialisable ? Merde c'est compliqué la vie d'internaute, les questions se font existentielles... Bref laissons ce maudit débat ici, comme diraient nos cousins d'Amérique, et revenons à ce qui vous intéresse réellement : ma vie et ses péripéties... Si j'introduis cette œuvre de la sorte (en mode Sartre), c'est qu'il est à la mode de chier sur les albums qui rencontrent un succès, même mérité. Pourtant quand cet opus est sorti en 99 (ou peut-être début 2000 ma mémoire me fait défaut) il a réussit à mettre tout le monde d'accord. Presque tout le monde en tout cas... Moi à l'époque j'étais à mi-temps au lycée technique Laplace et dans ma classe j'avais un pote dont la mère vivait à Thiais juste à côté de Choisy. Le vendredi, dès qu'on avait la possibilité de le faire, on sautait dans le train direction le Val-de-Marne. Forcément l'écoute de l'album n'avait pas la même saveur là-bas que chez moi, même si la France entière a subi la vague vitryote. Après avoir réalisé un "truc de fou" en passant en heavy-rotation sur les ondes de Skyrock l'année précédente en compagnie d'un ancien de la ville et membre des TSC, Doudou Masta, les 3 "gros" décident de revenir "braquer la banque sans faire toc-toc". Serait-ce bel est bien une banque ou l'industrie musicale la victime de ce braquage ?



Car à y regarder de plus près "Les princes de la ville" peut s'apparenter à une usine à tubes ! D'abord "Ouais gros", morceau un brin électro signé encore et toujours par le grand DJ Mehdi, avec sa boucle ultra accrocheuse volée au Kraftwerk qu'Afrika Bambaataa avait déjà "emprunté" pour l'un des premiers titres de l'histoire du rap : "Planet rock". Gros : expression désignant un ami popularisée par le 113 (cf. le dico de ton quartier).
"Hold-up" donc... Autant la FF bof bof, autant Pone a toujours fait des prods excellentes ! Un single improbable quand on y pense, une histoire à base de guns, de saucissonnage et de course poursuite. Mais rien est impossible pour la Mafia K'1-Fry. Ideal J, Manu Key ou encore Rohff nous l'ont également prouvé avec des titres phares tranchant avec les niaiseries radiophoniques qu'on avait l'habitude d'entendre ("ouvre les yeux, je t'emmène en voyage dans les nuages...").
"Jackpotes 2000" ensuite. Ahhh là on touche un point sensible ! Le rap français peut-il faire bouger des culs en club ? Hé bah ouais gros ! Qu'est-ce que c'était bon de taper des petits pas de danse sur ce morceau... Funky à souhait et, il faut dire ce qui est, aussi kitch que le retour de la roue de la fortune sur TF1 !
Titre super léger à l'image d'un "Tonton du bled" qui l'air de rien rentrera dans le crane de chacun d'entre nous pour y resté scotché pendant encore quelques années. C'était pas évident d'arriver avec cette boucle orientale mais Rim-K avait décidé de se faire plaisir pour son solo. Les origines ont toujours eu une place importante dans la musique de ce groupe. On retrouve d'ailleurs A.P. avec un "Tonton des îles" bien en-dessous de la qualité du titre de l'autre tonton mais néanmoins sympathique a écouter, surtout pour tous ceux qui comme moi ont connu les chaleurs tropicales des Antilles (pawol a ti mal hein Nico ?).
Et enfin le titre éponyme, gros hymne à la jeunesse des cités françaises. Déjà que Rim-K et A.P. ne sont pas vraiment reconnus pour rapper dans les temps, cette prod rapide de Mehdi s'inspirant du titre de Curtis Mayfield "Make me believe in you" n'arrange pas grand chose... Mais on s'en balance ! On écoute pas 113 pour la technique du flow, ni même pour leurs talents d'écriture, mais parce que de leur rap se dégage un côté "vrai", sincère avec eux-mêmes et avec leur public. Et quoi que les mauvais langues racontent, ils ont gardé cet état d'esprit 10 ans après leurs débuts discographiques.



Alors bien sûr y avait les "tubes", mais aussi d'autres morceaux tout aussi intéressant tels que "1001 nuits" avec Big Red en invité de luxe : en règle générale, inviter un Raggasonic sur une chanson est souvent gage de qualité, à l'époque tout du moins... Bon c'est vrai je repense surtout à Daddy Mory avec l'autre kainfry Kery james sur le splendide "Evitez". "Reservoir drogue" avec une seconde prod de Pone qui permet à travers sa MPC de faire briller Marseille sur cet album, contrairement à Boss One... Mais 3° Oeil ça n'a jamais vraiment était génial... Le rap Marseillais n'est, en général, pas génial ? C'est pas moi qui l'ai dis... "Face à la police" avec Faya Dem ou encore le titre en réunion avec le 113 Clan "Main dans la main".



Disons le clairement et n'ayons pas peur des mots, l'album tue, c'est tout ! Et c'est surtout dû au travail de DJ Mehdi qui, en cette fin de millénaire apocalyptique à base de piano/violon, nous apporta sur un plateau d'argent (ou plutôt de platine) cet album extra-terrestre gorgé d'influences électro et de ce fait bien en avance sur les autres. Evidemment le charisme des 3 rappeurs n'y est pas pour rien non plus. Grâce à ce disque, le 113 peut se vanter de faire parti de ces (trop) rares artistes de musique dit "urbaine" à avoir sorti un jour un disque populaire au sens noble du terme. Le genre de cd que tout le monde peut écouter en y trouvant son bonheur ! Malheureusement, "Les princes de la ville" n'aura jamais de digne successeur dans la discographie de Karim, Yohann & Mokobé. Peut-être que la 504 break chargée de 2 victoires de la musique amplement méritées sur le plateau d'un Michel Druker toujours aussi has-been, était devenu trop lourde pour rouler correctement sur l'autoroute du sans faute. Ou peut-être n'auraient-ils pas dû oublier le petit Mehdi sur une air de repos...