26 mars, 2008

Tant pis pour ta mère v'la le Ministère

Ministère A.M.E.R. "95200" (1994)
MAM Production / Musidisc
1. Prélude Au Réveil (feat. Hamed Daye)
2. Plus Vite Que Les Balles
3. Un Eté A La Cité
4. Brigitte Femme 2... (feat. Kay-Cee)
5. Les Rates Aiment Les Lascars (feat. Assia)
6. Paradis (feat. Kay-Cee)
7. J'ai Fait Un Rêve
8. Autopsie (feat. Doc Gynéco)
9. Flirt Avec Le Meurtre
10. Les Cloches Du Diable (feat. Hamed Daye)
11. Chap II Acte 20
12. Pas Venu En Touriste (feat. Hamed Daye)
13. Nègres De La Pègre (feat. Kay-Cee)
Si je devais ne garder qu'un album de rap français, je crois que c'est pour "95200" que j'opterais (ouais "Conçu Pour Durer" de La Cliqua est un EP... quoi je triche ?). Deuxième album des Sarcellois après un "Pourquoi Tant De Haine ?" (en 1992) surtout reconnu pour le bordel provoqué par le provocateur "Brigitte Femme De Flic" et son propos résolument black-pro que pour ses qualités musicales (quoique rien que pour Moda...), malgré des morceaux réussis. Après avoir débuté aux côtés de Moda, parti depuis faire des disques avec Dan (du magasin Tikaret), Passi et Stomy ont continué leur petit bonhomme de chemin discrètement, ne se mélangeant pas au reste de leurs collègues (à part un titre - solo de Stomy d'ailleurs, avec Kenzy en renfort - sur la "BO" de La Haine).

Ministère AMER à cette époque, c'est la synthèse made in France de ce qui s'est fait de mieux ces dernières années outre-Atlantique : le côté gangsta de NWA (comment ne pas faire le rapprochement entre "100 Miles And Running" et "Cours Plus Vite Que Les Balles"), le militantisme black-pro de Public Enemy et la provoc' d'un Ice Cube ("Black Corea" trouve un certain écho dans "J'ai Fait Un Rêve"). Un petit extrait d'American Me ("Autopsie"), des gros samples funk que ne renierait pas DJ Slip de CMW (qui en a toujours une bonne dans sa poche... kangourou), on aurait pu plonger dans la pâle copie des Ricains...

Mais non, "95200" est un vrai album bien français, bien franchouillard même. L'interlude de "Un Eté A La Cité" et son florilège de noms d'oiseaux (écouter ça à 14 ans est limite éjaculatoire, en boucle à fond dans la maison, la daronne qui commence à s'inquiéter en entendant "T'as 70 ans tu pleures, tu pleures comme ta fille quand j'l'ai dépucelée la salope"...) sent bon la France de Julien Courbet, les références aux camés des grands boulevards, au RER, aux politiciens de l'époque (dont certains sévissent toujours, un petit furieux devenu aujourd'hui malheureusement calife à la place du calife), au racisme, les bruits et les odeurs, la flambe... Pas de doute : on est en banlieue.
"95200" est le premier grand disque de rap sur la banlieue, sur la cité et quoi que nos auditeurs de "rap de tess" puissent en dire aujourd'hui, les deux énergumènes qu'on a vu sur scène avec Johnny Halliday ("Hiiiiip Hoooooooop !!! Hiiiiip Hooooooop !!!") ont ouvert la voie à pas mal de monde. Rien que pour ça, cet album fait partie des disques majeurs du rap français, et peu importe que Passi ait échangé son flow contre un flaire de businessman et un siège de jury à la Star Ac', et que Stomy ait (entre autre) joué le débile léger dans "3 Zéro" : ils ont fait ce disque.

Chose surprenante, pas de réel crédit niveau production. C'est bien con de pas avoir exactement qui produit quoi parce que 14 ans après, ça reste super solide et sérieux. On navigue entre agressivité minimaliste et prods soul-funk imparables, en se payant le luxe de rester cohérent en étant pourtant assez versatile. Je suis toujours surpris qu'on minimise la qualité de la production de cet album ni l'exception musicale qu'il a été.
Remplacer un beat par un bruit de culasse de flingue et de coup de feu ("Plus Vite Que Les Balles"), balancer un solo de guitare électrique complètement furieux sur plus de 6 minutes ("Je Flirt Avec Le Meurtre") ou poser "Un Eté A La Cité" sans réel beat (à une époque où on sortait tout juste de la surproduction rythmique), c'était et ça reste quelque chose d'assez inédit.

A chaque fois que je tombe sur un morceau de Passi ces dernières années, je me demande comment il a pu en arriver là. Je critique pas forcément ses démarches marketing ni ses choix musicaux (encore qu'il y aurait surement à dire) mais plus le fossé qui sépare son flow aujourd'hui (encore plus prévisible que celui de Sinik) et celui qu'il pouvait poser en 1994. Ok, ça n'a jamais été un Daddy Lord C, ni un Ill, ni même un MC de première zone mais au moins, malgré ses approximations, on avait un mec avec un minimum de présence et dont les couplets se suivaient sans se ressembler. Le minimum syndical me direz-vous...
Quant à Missile Mysto, c'était la fraîcheur, l'absence de calcul par nature. Il réussissait un exercice qui parait surhumain aujourd'hui (ouais je sais, je fais dans le cabrelisme encore plus que d'habitude) : réussir à allier envie et discours. Y a pas tortiller du cul pour chier droit, un mec qui prend son pied au micro c'est quand même nettement plus sympa à écouter que n'importe quel tanche qui prend une posture [choisir la mention utile : caillera, sensible, politique, rigolo, gangster, décalé, bandana, intello, acoustique, fashion, dirty south, g-funk, crunk, fluo - liste non-exhaustive]. Gilles Duarte n'a jamais été un grand lyriciste mais il avait suffisamment de bonnes idées pour compenser cet état de fait : pas de complexes, pas de pression de la part du microcosme hiphopcryte et du coup, des tentatives. Qu'est-ce que ça me manque des mecs qui tentent des choses.

C'est d'ailleurs marrant de voir que ces mêmes mecs qui osaient prendre des risques aussi bien au niveau fond que forme sont devenus ceux qui sont à l'origine de l'uniformisation du rap quelques années plus tard avec le Secteur Ä. En présentant au rap un modèle économique indépendant et rentable, Kenzy et ses acolytes ont ouvert la boite de Pandore. On peut désormais gagner de l'argent, beaucoup d'argent (fantasmé ou réel) grâce au rap et du coup, l'argent remplace le plaisir. Une évolution classique au regard de l'Histoire de la musique mais qui n'en est pas moins à chaque fois un crève-cœur.

14 ans après ma première écoute de "95200", je continue de me faire complètement absorber par l'univers de Stomy B. et Passi, je redécouvre à chaque fois l'album, appréciant un nouveau détail à chaque fois, me marrant de leur irrévérence, profitant de l'immersion dans leur univers (vocabulaire, humour - ah ce fameux interlude caché de "Les Rates Aiment Les Lascars"-, revendications...). Et qu'ils se gardent bien de refaire un album, parce qu'on serait bien tenté de leur dire "Euh coupez là... Y a eu un Larsen ?". D'autres semblent tenter le come back mais qu'ils se gardent bien de retourner en studio ensemble même si leur somme a toujours été nettement supérieure à leur valeur individuelle. Un nouveau Ministère ? Non merci, je n'ai plus foi en la politique...

13 mars, 2008

Lorsque la nuit tombe sur Panaaaam'...


Tout Simplement Noir "Dans Paris Nocturne..." (1995)
Panam' Production / Night & Day


  1. Intro : La Bombe Noire
  2. Tout Simplement Noir
  3. "Négro Parigo"
  4. Je Suis Comme Je Suis !
  5. La Justice
  6. Relax...
  7. J'Suis "F"
  8. Goutamafonkybite
  9. Rien De Bon Sur La F.M.
  10. + Fort
  11. Le Peuple Noir
  12. Paris Nocturne...
  13. O.P.I.2.Flics
  14. A Propos De Tass
  15. C' La Tuff



1995, flash spécial : "Mesdames et Messieurs nous venons d'apprendre que le sommeil de la capitale est dérangé par les aboiements incessants d'une meute de chiennes de garde. La faute à 3 négros parigos portant les noms de Parano Refré, J'L-Tismé & MC Bees. Nous savons de source sûre que ces troubles risquent de perturber le reste de la France...". Voilà à quoi aurait pu ressembler l'ouverture du journal de 20h par PPDA si l'autre frustrée d'Isabelle Alonzo avait mit la main sur ce CD...


A ma connaissance elle n'a jamais dû l'écouter (on l'aurait entendu aboyer j'vous dis) et je n'ai pas découvert cet album via le journal de TF1. Ni même en 95 d'ailleurs. En train, seulement 2h me séparait de Panaaaaaaam (désolé j'étais obligé... syndrome G(angsta) De La Tourette), mais faut croire que certains skeuds ne possédaient pas de carte 12-25 ans...
J'ai écouté "Dans Paris Nocturne" pour la première fois en 96 il me semble. C'était un pote à moi qu'avait piqué la k7 de son grand frère pour la ramener au collège, il faisait souvent ça. C'est d'ailleurs grâce à ces k7 volées que j'ai découvert "3 x Plus Efficace" . Et cette année, ces 2 là m'ont coutées une fortune en piles LR6 ! Mon pote se prennait souvent des branlées par son aîné à cause de ça, moi aussi d'ailleurs. Surtout pour cette k7 de TSN. D'après lui on était trop jeune, c'était un truc pour les grands... Mon cul ouais ! Moi aussi je regardais Sexy Zap (Tchi-tchaaa) et Tabatha Cash me filait la trique ! J'avais le droit... Non non... J'étais obligé même, d'écouter TSN. Je me suis vengé en achetant le CD : Va te faire foutre avec ta bande magnétique qui saute tout l'temps vieux con !


Au revoir le rap mélancolique de la grosse pomme, sur leurs tables de chevet, les disques estampillés Def Jam étaient balayés par ceux de Ruthless Records ou encore Death Row. L'influence Californienne est bien là ! Les "bitches" laissent place aux "tass", les "niggaz" aux "négros parigos" et les "G'z" aux "cailleras". Sans compter les 2 3 sirènes qu'on entendait par-ci par-là. "Plus fort que la bombe atomique, la bombe nucléaire ou la bombe à neutrons... La bombe noire !", et c'est vrai que c'était fort putain ! Une sorte de Ministere Ämer version Parisienne avec une touche de perversion à la Luke Skyywalker ou Too $hort. Car il est clair que le thème de prédilection de TSN était le sexe, et sous toutes ces formes ! Ou plutôt dans toutes les positions ! Sur combien de titres parlent-ils de cul ? Plus facile de compter ceux où ils n'en parlent pas ! Le summun étant atteint avec les titres "Goutamafonkybite" qui commence par l'introdutcion d'une jeune chatte dans une cage de chiens affamés, mais surtout avec "A Propos De Tass" samplant "Belles! Belles! Belles!" de la cocluche des Français Claude François. Haha la manière dont ce morceau démarre me fera éternellement marrer ! Dès que j'entends ce titre de Cloclo commencer dans des émissions de télé ou autres, je ne peux m'empêcher de le prolonger d'un énorme : "des tasspés des tasspés" !! J'pense pas être le seul dans ce cas si ? Ce titre c'est un pur instant de bonheur, et son interlude qui suit n'en est pas moins joussive ! Une anecdote comme on les aime avec une morale qui dressera plus d'un poil de chatte : "qu'elles soient blondes, brunes, rousses : elles sont toutes des tasspés"... Sauf nos mères bien sûr !


"Maiiiis, y a pas que le cul dans la vie !" répondront mesdames... C'est vrai, y a la fonsdé aussi ! Quand ça se passe comme dans "C' La Tuff" c'est cool, mais çà l'est déjà moins lorsqu'on se retrouve à gerber à genoux devant les chiottes après s'être fait passer un savon par la daronne ! On a tous connu ces soirées coupes-gorges où y en a un dans la bande qui, trop "F", se retrouve à foutre la merde et surtout NOUS fout dans la merde. Hé bah ce mec a ici le droit à son histoire en guise de single ! Obsédés par les tass, la défonce, les fêtes et le frique... Mais après tout, "ils sont comme ils sont". Ce qui ne les empêche pas d'aborder des thèmes plus sociaux tels que la justice malheureusement pas toujours juste mais résolument west (pas la justice hein, le son), la police avec ce morceau que n'aurait pas renié Eric Wright, se terminant par une outro toujours aussi délirante (ze TSN touch !), sans oublier la négritude. D'ailleurs si mes souvenirs sont bons, leurs affiches promo montraient le "nègre" emblême de la marque Banania, entouré d'un cercle rouge barré (pas loin de Kéry sur mon mur aussi). Le nom du groupe également : Tout Simplement Noir... Et quoi de plus ?


Ecoutez "Négro Parigo" ou encore "Le Peuple Noir" et vous comprendrez qu'ils sont bien fiers de leur couleur. A ce sujet je vais vous raconter une petite anecdote qui me vient de J'L-Tismé, ça fait ça : "c'était un soir je rentrais tranquillement de chez un pote..." Nooon pas celle-ci bande de vicelards ! C'était durant la tournée de l'album, leur manager leur avait booké quelques dates en Allemagne. Un soir ils se sont retrouvés pour faire un concert dans un club plein à craquer de skins ! 2 3 bouteilles cachées derrière les platines de DJ Guetifa pour se défendre au cas où, et ils commencèrent leur show se demandant quand l'attaque surgirait. Et en fait non, les skins allemands ça aiment le rap parisien, surtout quand ça se fait insulter dans les morceaux. C'est con un faf aussi... Y en a même un qu'est monté sur scène pour interpréter un "slam du 3° Reich" ! Ils sortirent tous saints et saufs, à vive allure quand même (on sait jamais), sautèrent dans la gova direction le prochain club pour un deuxième show... et là pas de bol, un repère de skins ! Le sort s'acharne. Mais ce coup-ci ils étaient trop occupés à jouer au billard et surtout moins nombreux.


"Ils terminèrent leurs jours heureux et eurent pleins de tasspés"... L'histoire aurait pu se finir ainsi, mais pendant la promo de leur second album, "Le Mal De La nuit", MC Bees quitta le groupe. Malgré çà, on attend désespéremment le 3ème album qui verra bel et bien voir le jour d'après mes infos ! Moi depuis, j'ai arreté de fréquenter des tass pour me foutre en couple et me retrouver du coup dans un appart' avec des bougies partout et des photos remplaçant mes affiches de TSN... Pas très caillera tout çà, mais que voulez-vous, on s'fait vieux...

(à noter que le CD comporte en fait 18 plages et non 15)