28 octobre, 2006

La Sauce avant la fuite

Busta Flex "Kick Avec Mes Nike" (1996)
La Sauce Production
1. Kick Avec Mes Nike
2. Aïe Aïe Aïe
3. Hiphopcryt
4. La Prison
J'ai pas tellement parlé de Busta jusqu'ici, pourtant quand j'étais ado j'étais dingue à chacun de ses couplets. Je l'ai découvert comme beaucoup sur le premier album de Lone où il assurait plus que le sparing partnership de celui qui l'avait découvert. Il avait bien fait un morceau avec son frère Jimmy sous le nom de Original Blue Fonk sur la première mix-tape "Freestyle" de Cut Killer mais comme je n'ai jamais eu l'occasion de mettre la main dessus...
L'album de Lone m'ayant traumatisé (pour être sincère, les apparitions de Busta m'ayant traumatisé), j'attendais le premier maxi de celui qu'on considérait à juste titre comme la fraîcheur incarnée avec impatience. Je crois que j'ai acheté ce maxi à Tikaret, à la toute fin du magasin... mais je me plante peut être complètement et ça serait alors à LTD. J'avais traîné pour aller à Chatelet et je me demandais si j'allais encore en trouver... J'ai pris le dernier !

Quatre titres, tous produits par Lone à l'époque où il était pas encore parti en courant quand Busta (Valéry François de son nom civil) eût ses embrouilles à Rennes avec Express D suite à une rime malheureuse dans un freestyle (une histoire de "style tellement fort que même les musulmans mangent du porc" en gros), mais si vous savez bien, "le 20 mars 97 ça a bardé !". Moi j'aimais bien cette période là, c'était les débuts d'Homecore qui faisaient des sapes mortelles, à un prix évidemment prohibitif, surtout quand on a 15 ans (un sweat c'est 5 albums, le choix était vite fait).

"Kick Avec Mes Nike" donc. Le titre éponyme est bien évidemment un egotrip où Sta-beu démontre qu'il est un rappeur hors norme, fan de Redman bien sur, mais avec un feeling unique. Encore aujourd'hui, l'énergie qui se dégage du morceau est assez bluffante. La prod du "gitan cosmopolite" est discrète, musicale et sait s'effacer pour laisser au MC la place de libérer son exubérance.
Tiens, j'en profite pour lancer une question en l'air : pourquoi avoir censuré certains passages du morceau ? Il aurait suffit de mettre comme ça se fait souvent une version radio et une version non éditée... Petit bras sur ce coup-là.

J'ai toujours eu une petite tendresse pour le second titre de la première face, ce "Aïe Aïe Aïe" pourtant nettement plus faible que les trois autres. D'une part pour le clin d'oeil à "Fugee-La" des Fugees dont j'ai toujours été fan, de l'autre pour le clin d'oeil aux parkas Helly Hansen "couleur papaye" à la mode à l'époque et que j'ai regardé avec beaucoup d'envie (j'avais fini par trouver un coupe vent de la même marque bleu et blanc assez mortel pour une misère... mais absolument pas ventilé, très classe les marques de transpiration quand on l'enlève). Bref, amusant ce petit morceau sur les videurs et vigiles.

La face B s'ouvre sur le titre que j'ai du le plus faire tourner à l'époque, "Hiphopcryt". J'étais dingue des voix en entrée (si quelqu'un sait d'où ça vient, je suis preneur), je kiffais les encouragements de Lone avec la voix traffiquée et on retrouvait le Busta egotrip et arrogant que j'appréciais tant. C'est vraiment dingue toute l'énergie que ce mec pouvait déployer sur un titre... Alors oui, effectivement, il a jamais fallu trop lui en demander niveau fond mais niveau forme, pour l'époque c'était sans commune mesure (et encore, je trouve que ça vieillit pas si mal malgré quelques trucs très faciles).

Finalement, quand on regarde bien, les deux faces du maxi sont composées de la même façon : un premier titre "single" égotrip suivi d'un second plus axé "story telling" comme le prouve ce "La Prison" qui, et je m'en étonne encore, n'était pas si mal écrit. Bon, c'est sur, ça transpirait pas le vécu et pour un mec qui raconte qu'il a passé 5 ans au ballon et que tout le monde l'a zappé, je le trouve bien guilleret... sûrement un manque de maturité, mais c'est justement ce coté chien fou qui faisait tout le charme du bonhomme.

Ensuite, comme je le disais, y a eu l'embrouille avec Express D et Flex s'est retrouvé tout seul avec son frangin jusqu'à ce que Kool Shen le prenne sous son aile et en fasse le fer de lance de son nouveau collectif : IV My People. Et puis forcément, ils s'embrouilleront. Et Busta ira trouver refuge un temps auprès du Comité 2 Brailleurs avec qui il finira également par se fâcher. Après la naïveté "keep it real hip hop" de son premier album, après un EP plus typé "street", il s'essaiera à un album bounce qui ne fera un bide. Depuis c'est l'éternel retour, sans jamais convaincre... Sûrement parce que le 20 mars 1997, ça a bardé... et que ça a cassé quelque chose en lui, mais là je fais ma Mireille Dumas du pauvre (vous imaginez le truc ?) donc je vais m'arrêter là.

Et pour le coup, je vais mettre les 4 titres en écoute !

PS : il est tard, j'ai la flemme de descendre à la cave pour aller chercher le maxi et scanner le sticker donc pas de pochette pour l'instant.

Petit label deviendra grand

VA "Hostile Hip Hop" (1996)
Hostile Records
1. Arsenik - L'enfer remonte à la surface (5:24)
2. X-Men - Pendez les, Bandez les, Descendez les ! (3:38)
3. 2 Bal Niggets feat. Niro - 3 fois plus efficace (4:07)
4. Polo - Panne Sèche (Halloween Rmx) (4:30)
5. La Clinique feat. Les Sales Gosses - Tout Saigne (4:13)
6. Sté Strausz - Plus d'idéal (4:26)
7. Teemour - Pas mieux demain (3:58)
8. Lunatic - Le crime paie (5:01)
9. Aktivist - Cauchemar (3:36)
10. Da Maad Fungusth - Les spots bleus (4:10)
11. Les Rongeurs - La chasse est ouverte (4:32)
12. Boss Raw - 1 million de cailleras (5:04)
Cette compile, je me souviens parfaitement quand je l'ai achetée... Enfin pas la date précise mais plus les circonstances. J'étais en seconde (1996), ça devait être à la fin de l'hiver vu qu'il faisait plutôt bon... On avait du passer le week end à écouter le vinyle chez Loïc (son frangin avait du mal cacher les cellules) et il me fallait ce disque. J'avais réquisitionné un pote de classe qui avait un booster ('tain impossible de retrouver le nom du modèle... il était rouge et blanc avec une sorte de damier façon formule 1 devant) pour m'emmener aux 3 Fontaines un midi. J'étais revenu au lycée à la bourre mais super content de mon achat. Il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux...

J'ai remis le CD sur la platine tout à l'heure et l'impression est la même qu'à l'époque : y a pas à chier, la première moitié est vraiment incomparablement meilleure. Et puis en fait, les 2 premiers tiers sont vraiment biens ou étaient les classiques de l'époque.

Les frangins d'
Ärsenik (alors encore accompagnés de leur cousin Tony Truand) n'avaient fait que "Ball Trap" (quelle claque ça) et avec "L'Enfer Remonte A La Surface" ils étaient catalogués "horrorcore" (pour ceux qui connaissaient le terme, sinon c'était plus "ouais les mecs avec le délire chelou façon cimetierre là"). N'empêche que c'était encore un nouveau style qu'on se prenait dans les gencives. Quand l'album "Quelques Gouttes Suffisent" est sorti, beaucoup avaient été déconcertés de ne pas retrouver l'ambiance macabre et sadique de ces deux premiers morceaux. Ils se sont toujours défendus d'avoir voulu faire de l'horrorcore et bien les en a pris globalement.

Ensuite, y avait les rois du freestyle radio, les
X-Men (encore à 3 avec Hi-Fi). Comme à l'époque, je trouve que ça rappe vraiment dinguement (si si ça existe), il y a des phases qui sont marquées dans mon crâne minuscule en lettres majuscules (yo rap)... mais la prod me gonfle toujours autant. "Pendez-Les, Bandez-Les, Descendez-Les", c'est quand même pas la panacée niveau prod et ça m'a toujours empêché d'être vraiment fan du morceau.

Surtout que juste après, y avait mon groupe préféré sur la compile : les
2Bal Niggets, qui plus est au grand complet puisque Krokmitten pose comme toujours (mais trop rarement) un couplet totalement halluciné. A l'époque, je me souviens que la plupart des mecs à qui je parlais étaient persuadés que ce titre là ("3x Plus Efficace") était sur l'album de 2Bal de 2Neg'. Et ça doit toujours être le cas aujourd'hui... C'est vrai quoi, quelle idée d'avoir foutu le morceau éponyme de leur album sur une compile ? Ben c'est pas si con, ça fait de la pub ! Et quel morceau en plus... Après ça, on ne retrouvera plus la rage et la fraîcheur des jumeaux, de Krok' et Niro que sur la B.O. de "Ma 6-T Va Crack-Er". Déjà le début de la fin... Une chose est sure, quand on se prenait ce morceau en live dans la tête, la salle devenait dingue. Il me semble que c'est après ce morceau qu'Eben avait dû descendre calmer quelques excités à la Clé à St Germain...

On ne s'en souvient guère aujourd'hui mais à l'époque, le premier gros hit underground de la compile (qui en recèle plus d'un au final), c'était "
Panne Sèche" de Polo. Un illustre inconnu. La prod était sombre, propre et efficace. Le MC quant à lui, aujourd'hui, j'ai un peu de mal à tout à fait bien comprendre pourquoi on s'était excité comme ça sur lui. Ok le refrain rentre dans la tête dès la première écoute ("Click click, je n'ai plus de balles / J'ai vidé mon chargeur je me sens mal"). Il y a une vraie ambiance sur le titre mais niveau flow, c'est assez banal. Même chose pour les lyrics. Merde, je me sens con à plus me souvenir ce qui avait rendu dingue les gens... qui en attendaient beaucoup ! Après, une autre grosse compile de l'époque ("L.432"), Polo a disparu de la circulation. Il était question qu'il fasse partie du Black Taga, ce "super" crew qui devait regrouper Joey Starr, Solo et Polo... qui n'a jamais vraiment eu d'existence en dehors de quelques dédicaces.

Et là dessus, on se mangeait le single "grand public" (tardif) de la compile : "
Tout Saigne" de La Clinique avec les Sales Gosses. Ils auraient surement gagné à être plus clairs sur qui était qui et qui était dans quel groupe parce que c'était le merdier. Pendant longtemps, on a cru que Doc Gynéco (que personnellement, j'ai eu du mal à reconnaître au début, sa voix étant plus grave que d'habitude et son nom brillant par son absence sur les crédits du morceau) faisait partie de la Clinique alors que non, c'était juste leur "grand". En réécoutant la plage 5, et malgré le succès de "Playa", je pense que Papillon et Charlie Waits (Les Sales Gosses) auraient gagné à plus s'affirmer individuellement quand on voit le bide que leur album a fait l'an dernier. N'empêche qu'il est toujours super sympa ce titre, le refrain se fredonne immédiatement comme si on l'avait écouté la veille et l'ambiance légère bien connard qui s'en dégage rend le morceau définitivement attachant.
On retrouve cette atmosphère décontactée sur "
La Chasse Est Ouverte" des protégés de Stomy, les Rongeurs, que je redécouvre avec plaisir curieusement. La basse est bien grasse, les claps bien funkys et les deux zouaves arrivent à me faire marrer dans leur délire crève-la-chatte. Quelque chose me dit que quand ils parlent de fourrer, ils ne parlent pas de taxidermie...

Une ambiance qui tranche avec la gravité d'un autre gros succès underground (ça me fait marrer d'utiliser ce mot) de l'époque, "Pas Mieux Demain
" d'un autre inconnu, Teemour. C'est marrant comme 10 ans après, la mise en scène du morceau est douloureusement toujours d'actualité. On avait eu "Sacrifice de Poulet" par le Ministère AMER sur la B.O. de la Haine, très premier degré, impulsif... et là on a un peu son opposé. L'émeute de cité vue de l'oeil désabusé d'un banlieusard, un panorama froid d'une situation à haut risque (t'as vu le style "journaliste de presse Hip Hop" ? la classe hein). N'empêche que j'étais pas fan de sa façon de rapper au Teemour : trop articulé, trop maniéré même si je lui reconnais une interprétation cohérente avec son sujet pour le coup.
Je me souviens qu'il y avait eu grosse enflammade sur le lascar à l'époque, Cut Killer était super fan... et puis son album a fait un flop. Je me souviens encore du clip genre plan séquence qui tournait en boucle sur la 6 (c'était pas mal fait ça, sans doute l'influence du grand cinéaste Djibril Diop qui était de sa famille proche). Et puis plus rien jusqu'à ce qu'on fasse les bacs des boutiques d'occaz.

Et puis il y avait "
Le Crime Paie" de Lunatic, classique d'entre les classiques. Après avoir dansé avec le Beat' 2 Boul', après avoir enregistré un album ches les Sages Po' (pas encore sorti... mais peut être qu'en regardant du coté du Canada dans les prochains mois, on pourrait le voir resurgir) le duo s'en était détaché pour rejoindre Time Bomb et développer une image beaucoup plus sombre que ce qu'on avait pu entendre d'eux (enfin ce qu'on avait pu entendre de Booba, sur "Tout Le Monde Dans La Ronde" le morceau inédit présent sur une des deux versions du maxi "Amoureux d'Une Enigme" des Sages). Jusqu'à "Hardcore" d'Ideal J, je ne crois pas qu'un titre ait autant marqué les gens que "Le Crime Paie", Ali et Booba se complètent parfaitement et même si B2O forçait encore trop son coté "j'ai la tronche tordue parce que je suis un méchant", c'était sacrément fort. Forcément, ça a un peu vieilli mais chaque rime annonçait la qualité d'écriture future des pensionnaires du Pont de Sèvres.

A coté de ça, la Mafia Underground (
Da Maad Fungusth - y a pas idée de prendre une blaze pareil - et Sté Strausz) tentait une nouvelle percée sans succès auprès du public (alors que mine de rien, le morceau de "j'ai un nom à coucher dehors" était vraiment pas si mal). Il faut dire que le public avait beaucoup de mal à reconnaître le talent de Sulee B. Wax depuis qu'il s'était mis à photocopier (avec succès) les Ricains. Flèche Bleue (d'Aktivist), quant à lui, forçait trop le trait dans "Cauchemar" et ratait surement là une occasion de faire mieux connaître le label Phat Cratz. Too much également, Boss Raw (proche d'Assassin) qui concluait passablement la compile avec son "1 Million De Cailleras", sauvé par le refrain "délicaillera" interprêté par Karl.

Dix ans après la sortie, le petit label rock qui tentait l'aventure Hip-Hop et se faisait le tremplin de la nouvelle école de l'époque est devenu LE poids lourd des écuries rap français. Joli chemin parcouru même s'ils m'ont perdu en route (et ça a été un moment très dur à vivre pour eux j'en suis conscient). Si j'ai bien tout suivi, cet anniversaire est commémoré par la réédition de la compile (remasterisée pour l'occasion), une bonne opportunité de compléter la collec' si on l'avait pas parce que, mine de rien, c'est une sacrée pièce. Alors oui, très certainement, et plus que pour d'autres disques, c'est sa portée historique qui fait l'intérêt de "
Hostile Hip-Hop" (beaucoup de titres ayant pris un coup de vieux) mais bon, ici on est nostalgiques et on l'assume alors keskonenahafout' hein ?

La sélection du cru : "
Le Crime Paie" par Lunatic forcément, La Clinique, Les Sales Gosses et Doc Gynéco pour "Tout Saigne" et un petit coup de "3x Plus Efficace" des 2Bal Niggets et Niro. Je me fais plaisir...

17 octobre, 2006

Conçu pour ne pas durer

La Cliqua "Conçu Pour Durer"(1995)
Arsenal / Night & Day
1. Intro (Jelahee / Le Chimiste)
2. La Cliqua - Tué Dans La Rue (Rocca, Egosyst, Daddy Lord C, Doc Odnhok / Le Chimiste)
3. Rocca - Comme Une Sarbacane (Rocca / Le Chimiste)
4. Coup D'Etat Phonik - Dans Ma Tête (Doc Odnhok, Egosyst / Lumumba)
5. La Cliqua - Freestyle (Rocca, Egosyst, Daddy Lord C, Doc Odnhok / Lumumba)
6. Daddy Lord C - Toujours Plus Haut (Daddy Lord C / Le Chimiste)
7. La Cliqua - Conçu Pour Durer (feat. Lyon S) (Doc Odnhok, Rocca, Daddy Lord C, Raphaël, Egosyst, Lion S / Lumuba)
"En direct de la Fourche, touche à mon emblême et je t'enfourche !" - Rocca, sur le morceau collectif "L'Underground S'Exprime Chap.1" instigué par Assassin.
Ouais ok, ça veut pas dire grand chose, on sait pas ce qu'est son emblême mais au moins on sait qu'il vient du 18ème. C'est un peu l'arnaque d'ailleurs parce qu'à part la Squadra (Rocca et Daddy Lord C), ils venaient tous de Boulogne, Pont de Sèvres il me semble. En tout cas, Egosyst (Guégué pour les intimes, Arafat aujourd'hui quand il rappe avec IMS), Doc Odnhok et Raphaël étaient du 92 plus que de Paris 18.

Depuis les premiers maxis de Daddy Lord C (et le désormais classique "Freaky Flow 1995 Remix"), on l'attendait ce premier disque de la Cliqua. Et c'est même pas un album. Commençons par exorciser une frustration : je suis passé devant le vinyle de "Conçu Pour Durer" des dizaines de fois, à chaque fois je me suis dit en voyant le vinyle translucide "je le prendrai une autre fois, je préfère acheter un disque que je n'ai pas déjà". Et puis finalement je l'ai jamais acheté et aujourd'hui, il se deal à des prix complètement dingues. Voilà, c'était la minute du collectionneur aigri.

Je me souviens qu'au début, c'est (encore et toujours) Loïc qui m'avait mis "Tué Dans La Rue" sur une cassette. Enorme gifle immédiate et définitive, la prod jazzy, la diversité et l'originalité des flows, l'ambiance générale du track... Un modèle du genre, encore aujourd'hui à mes oreilles. La première grande force de ce disque, c'est son ambiance. Les p'tits gars à la prod (en l'occurrence Le Chimiste, aujourd'hui reconverti dans la réalisation de documentaires et Lumumba) ont du pas mal écouter le grand frère new-yorkais, c'est crasseux, poisseux, collant, dur et sincère. Oui oui, rien que ça. C'est court et c'est bon (pour une fois, désolé mesdames).

Quant aux MCs, à l'époque, je ne vois pas qui pouvait rivaliser avec le duo de la Squadra (Rocca et Daddy Lord C). Le premier, petit Colombien à la voix rocailleuse est capable de placements incroyables et ses incartades en espagnol lui donnent un charisme incontestable. Le second, tout en swing, en aisance domine la discipline comme il dominera la boxe professionnelle française quelques temps plus tard. Quand les deux partagent le micro, c'est ce qu'on fait de mieux en matière de duo : les voix se marient parfaitement et les pass pass fonctionnent à merveille. La complémentarité en matière de rap à l'état pur.
Les autres, forcément, sans démériter, restent un cran derrière. Raphaël n'a pas plus de 16 ans et ne pose sa voix braillarde que ponctuellement et Doc Odnhok (Kohndo aujourd'hui) est encore trop fouillis pour convaincre. Reste Egosyst, Guégué pour la postérité, qui joue plus que les sparring partners pour les heavyweights précités. Il influencera d'ailleurs plus ou moins directement toute une scène active aujourd'hui.

Majoritairement égotrip, ce manifeste new school (avant même les guéguerres commercial/underground, il y a eu cette dichotomie inutile old school/new school... là n'est pas la question comme disait Rocca) n'a guère d'autre ambition que de montrer que le posse du Fourchlin Zoo en a largement sous le pied pour faire taire la concurrence. La rue, la rue parisienne si particulière imprègne les textes des 5 MCs. Il n'est pas question de jouer à celui qui a la plus grosse, qui est le plus gros tueur, la plus grosse caillera, juste de revendiquer un attachement à un environnement particulier. Une seule prétention : froisser des micros et là dessus, il y a consensus à l'époque : ils sont au top. Pourtant, Clark pourrait jouer les bad boys sur disque sans qu'on y trouve à redire, la réputation des Black Dragons (chasseurs de skins émérites et bande mythique des années 80-90) parlant pour lui.
Sept titres seulement, 120 francs à l'époque (je me souviens, 20 balles le titre, ça m'avait fait mal... jusqu'à ce que je pose le disque dans ma mini chaine Aiwa). Les photos d'Armen dans le livret. L'intro intouchable. "Sarbacane", le hit underground. Ce disque est une pièce maîtresse du rap français. Y a pas à chipoter.
Bon la suite a été nettement moins glorieuse que le fut ce EP et la tape que Cut Killer leur consacra. Après une compilation présentant leur label Arsenal (on aura surement l'occasion d'en reparler) et quelques compilations (dont Invasion), les rats quittent le navire. Guégué quittera Kohndo pour aller fonder IMS, Kohndo ira voler de ses propres ailes (et se fera copieusement allumer sur le maxi "Pas De Place Pour Les Traîtres") et les trois survivants auront toutes les peines du monde à sortir leur premier vrai album. Il arrivera d'ailleurs trop tard (c'est ça de venir en licorne aussi...) et malgré une production solide de Gallegos, il peinera à convaincre le public. Déçu par l'accueil et aigri que le succès d'estime ne se transforme pas en disques vendus (surtout à une époque où le rap français sait vendre gros), la Cliqua se sépare et chacun vaque à ses activités en solo.
Rocca continue à sortir des solos qui ne reçoivent pas non plus l'accueil escompté malgré certaines qualités et il décide de s'expatrier aux Etats-Unis et en Amérique latine avec son groupe Tres Coronas qui rappe en espagnol. Daddy Lord C se consacre un temps à la boxe et devient même champion de France professionnel avant de reprendre le micro... Il sortira un solo des plus décevants et il figure parmi mes plus grandes déceptions en matière de rap quand j'entends ce qu'il peut faire aujourd'hui. Quant à Raphäel, il évolue sous le pseudo de Raphton au sein du crew THC proche d'Audiomicide.

Bon, c'est la reprise là, j'aurais pu faire mieux mais faut que je me remette en jambes ! Bon, et pour le son, c'est comme avant, toujours dans la radio blog juste en haut à droite là.